Faut-il que la situation soit extrêmement préoccupante pour que de très nombreux scientifiques à travers le monde, généralement tenus à un droit de réserve, voire à une neutralité institutionnalisée, brisent ces conventions au nom de la liberté d’expression et s’engagent, pour certains, de manière militante en présence du déni des décideurs et politiciens en matière de climat.
Ainsi, des scientifiques belges ont mené une action à la mi-COP 27 non loin des Communautés européennes à Bruxelles et ont appelé leurs collègues à, je cite, « s’engager dans la désobéissance civile non violente pour provoquer la transformation radicale de notre société nécessaire pour minimiser les dommages de la crise climatique et écologique. »
Ils rejoignaient en cela le mouvement international « Scientist Rebellion » qui attirait aussi l’attention sur la présence de 636 lobbyistes du pétrole, du gaz et du charbon à la COP 27 alors qu’était annoncé le chiffre époustouflant de trois milliards de personnes qui vivront sous peu dans des régions touchées de plein fouet par le réchauffement climatique avec un taux de mortalité quinze fois supérieur à celui de régions moins touchées.
Ce cataclysme mondial entraînera également le déplacement de plusieurs millions de personnes.
Alors, en présence de ce constat global dramatique, certains scientifiques sont sortis du silence[1]
- François Gemenne, politologue à l’Université de Liège, coauteur du rapport du GIEC, spécialiste des migrations climatiques : « Nous ne pouvons pas sonner l’alerte et puis, quand la population doit décider, refuser à donner un avis et rester dans une posture de stricte neutralité. Pour moi, la neutralité des scientifiques n’existe pas : ce qui compte, c’est l’honnêteté. »
- Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue française, coprésidente d’un groupe de travail du GIEC : « Je suis toujours interloquée que l’on soit choqué par le fait qu’on verse de la soupe sur des œuvres d’art – que j’aime beaucoup – protégées par une vitre, mais pas les pertes et dommages provoqués par le changement climatique ou les investissements dans les énergies fossiles qui verrouillent les émissions. Et donc je pense que ces actions mettent le doigt sur le déni et ce qu’on ne veut pas voir dans nos sociétés. »
- Michael E. Mann, climatologue américain, directeur d’un centre universitaire de Pennsylvanie : « Les scientifiques devraient sortir de leur laboratoire, en faisant tout ce qui est en leur pouvoir pour informer le public sur la crise climatique. Ne pas s’engager dans le débat public reviendrait à laisser un vide. Ce serait manquer à notre responsabilité envers la société que de rester silencieux face à une menace aussi grave. »
Illustration : © Série « Colibri » de Thomas Burion.
[1] Source : La Libre Belgique, 12 et 13 novembre 2022.
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