En cette fin juin 2022, notre partenaire POUR a organisé une conférence de Chantal Mouffe sur le campus de l’Université Libre de Bruxelles, avec pour sujet : La radicalisation de la démocratie est la seule solution.
Chantal Mouffe, philosophe politique, professeure à Harvard, au CNRS, à l’université de Westminster à Londres où elle dirige encore le Centre pour l’étude de la démocratie, est considérée comme la marraine de Podemos, le parti populiste de gauche espagnol.
Populiste de gauche dans le sens d’idéologie aux valeurs de gauche combinée à l’antiélitisme et à l’antisystème parlant aux « petites gens », au peuple, donc, et qui n’a absolument aucun rapport avec le populisme de droite qui, lui, est xénophobe, raciste, sexiste…
Chantal Mouffe propose un concept qui attira aussi l’attention de Jean-Luc Mélenchon : la place centrale en politique doit revenir à l’écologie par ce qu’elle intitule la « Révolution démocratique verte ».
Concept, dont voici les grandes lignes extraites de la rencontre avec celle qui est donc considérée comme l’inspiratrice de la nouvelle gauche radicale.
Si, dans ses ouvrages, elle avait déjà développé la théorie de la « démocratie agnostique », c’est-à-dire qui recommande la lutte parce qu’elle y voit un instrument de progrès, qu’elle avait stigmatisé l’usage des technologies par le néolibéralisme comme solution aux problèmes sociétaux, y compris en politique, qu’avant les élections présidentielles de 2017, elle avait déclaré que Macron incarnait l’illusion du consensus et ouvrirait un boulevard à l’extrême droite, ce qui s’est révélé exact il y a quelques jours, Chantal Mouffe stigmatisa aussi la pseudo gauche, celle de la social-démocratie, qui n’assume pas radicalité et écologie dans sa politique, ce qui répondrait pourtant aux besoins de la population.
Lors de sa conférence, elle souffla donc un vent qui, certainement pour la social-démocratie, ne parlons pas de la droite et de l’extrême droite, est considéré comme une tempête. Jugez-en.
« Des partis dits démocratiques, de gouvernement en somme, ont abandonné la notion de démocratie. Il est cependant bon de rappeler le sens profond de ce terme : la démocratie, c’est le pouvoir du peuple. »
J’ai été particulièrement interpellé quand elle cita une réflexion de Podemos : « On a un vote mais pas de voix ! »
Elle expliqua encore que la logique libérale s’est imposée à celle de la démocratie, que les prétendus experts politiques ont remplacé les citoyens et que sous prétexte de modernisation, les partis démocratiques ont accepté les diktats du capitalisme financier.
« L’inégalité ne touche plus seulement la classe ouvrière, dit-elle, mais également la classe moyenne. Les partis dits démocratiques ont mis en œuvre cette inégalité. D’où, par corollaire, le succès des partis populistes de droite qui ont traduit les problèmes sociaux en problèmes ethniques. »
Et qu’en est-il du populisme de gauche ? Pour elle, ce n’est pas de la pure démagogie, c’est une stratégie de construction de la frontière politique : ceux d’en bas contre ceux d’en haut, eux et nous. C’est une manière de faire de la politique, c’est la souveraineté du peuple, c’est contre le sexisme, contre le racisme, pour l’écologie.
Le populisme de droite construit un peuple dont les immigrants sont exclus, c’est réduire la démocratie aux nationaux, tout le contraire du populisme de gauche.
« Mais, entendons-nous bien, clama-t-elle, la lutte oppose des adversaires, pas des ennemis. Il ne faut pas détruire l’adversaire et il y a lieu de reconnaître sa légitimité. Le réformisme radical, c’est transformer les rapports de pouvoir pas les rejeter. Je crois au pouvoir du dialogue avec les gens et non pas de leur asséner une ‘‘ vérité’’. »
Chantal Mouffe termina sa conférence en invoquant la pertinence de tenir compte de la crise écologique, « ce n’est plus un problème théorique mais existentiel », asséna-t-elle. Greta Thunberg et le mouvement des jeunes nous ont fait prendre conscience de ce qui doit être au centre d’une politique de gauche. Politique collective, radicalisation de la démocratie, place centrale de l’écologie, remise en question du problème de la production, prendre en compte la justice sociale, et envisager une bifurcation écologique comme une révolution démocratique verte et, comme cela vient de se faire pour la première fois dans l’histoire de la Colombie, mobiliser les gens autour du concept d’une société joyeuse et agréable à vivre. »
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