Les antivax, autrement appelés par différents médias et sur certains réseaux sociaux, des covidiots, des antisciences, des complotistes, voire des obscurantistes…, sont-ils des ultracrépidarianistes ?
Il fallait bien que je le place un jour ce terme ultra-compliqué à prononcer et dont la signification échappe à beaucoup de gens, mais que le journal Le Soir a proposé comme « le » nouveau mot de l’année 2021.
L’ultracrépidarianisme est ce comportement consistant à donner son avis sur des sujets à propos desquels on n’a pas de compétence crédible ou démontrée.
Cependant, il faut reconnaître une chose aux antivax, c’est qu’ils détiennent au moins une vérité : celle de ne pas douter d’eux, quitte à jouer les fossoyeurs de leur propre existence et de celle de leurs proches.
L’empathie leur est devenue étrangère au nom d’une pseudo liberté et le terme de « dictature sanitaire » et les montages photographiques avec l’étoile jaune chère à Hitler et Pétain ne leur paraissent même pas indécents, au contraire du monde scientifique qui clame généralement ses limites et a prévenu, depuis le départ, qu’il ne détenait pas la panacée pour éradiquer la pandémie due au Covid.
De plus, c’est sans compter avec l’important noyautage par les idéologies nauséabondes d’extrême droite de ces mouvements citoyens. Ces derniers sont quand même minoritaires dans la société, mais ils semblent le reflet de gens, parfois sincères dans leur peur viscérale d’être atteints dans leur intégrité physique par les vaccins, or, les manipulations de démonstrations, même par des médecins, certains relevant souvent dans le fachosphère, ne sont plus à démontrer.
Quant à la notion de « dictature », le simple fait de pouvoir exprimer publiquement cette conviction démontre qu’il n’y a pas dictature. Je pense que les Birmans et les Coréens du Nord, pourraient davantage en parler… s’ils en avaient la possibilité.
Mon confrère Frédéric Loore, journaliste à Paris Match et à La Libre Belgique, a publié l’intéressante réflexion suivante :
« Bien sûr, les participants – aux manifestations antivax – ne partagent pas tous les mêmes revendications. Bien sûr, tous ne cautionnent pas cette hystérisation du débat autour des mesures sanitaires. Bien sûr, on peut critiquer bien des aspects de la gestion de la pandémie. Bien sûr, il y a toujours lieu de se mobiliser contre les atteintes aux libertés individuelles et publiques. Bien sûr, il ne faut pas être naïf et ignorer la volonté de la Big Tech de tirer profit de la crise pour accélérer la collecte massive de données personnelles. Mais des images, les slogans éructés et les tombereaux d’inepties déversés ad nauseam sur les réseaux sociaux – slogans et photos comparant les mesures sanitaires aux camps nazis et à l’étoile jaune – témoignent d’une chose : l’ignorance et la peur sont bien les deux fléaux de l’humanité. Lorsqu’elles se conjuguent de surcroît à la désinformation et à la bêtise, alors, si l’on n’y prend garde, la démocratie court le risque de se transformer en tyrannie des sots. »
Pour paraphraser Tania de Montaigne, chroniqueuse à Libération, je veux encore dire que chez les antivax, l’essentiel n’est pas que ce qu’ils disent est vrai, leur seul critère est leur volonté de modifier le bon sens en non-sens, que, ce qui, avant, était aberrant et incompréhensible, puisse se transformer en évidence.
Leur postulat de départ, explique ma consœur, est donc comme une partie de poker : l’essentiel est de surenchérir pour occulter, travestir ou mentir la réalité des chiffres dramatiques concernant la situation sanitaire mondiale, tout cela pour leur confort personnel et non le vivre-ensemble.
Partout dans la société principalement occidentale, au contraire des pays pauvres qui réclament à cor et à cris des moyens pour se faire vacciner, la tension monte. Un clivage s’opère entre vaccinés et non-vaccinés, parfois au sein même de familles et de groupes très soudés.
Comme l’écrit le New York Post « Si la covidiotie se répand, c’est que la stupidité est contagieuse. Et elle n’a pas d’âge » ; quant au Journal de Montréal, il écrit : « Les covidiots sont des individus qui se signalent par leur égoïsme, leur manque de jugement, ou carrément leur stupidité ».
J’aime à répéter cette déclaration de Romain Roland, Prix Nobel de Littérature et pacifiste : « Une discussion est impossible avec quelqu’un qui prétend ne pas chercher la vérité, mais déjà la posséder. »
Alors, et si les covidiots, antivax, antisciences, complotistes, obscurantistes…, mettaient autant d’énergie à prôner un plan d’urgence pour le système hospitalier qui, ne l’oublions, est principalement saturé au détriment d’autres malades par 80% à 90% de personnes non vaccinées ?
Et, puisque les antivax crient au scandale face à la vaccination des jeunes, cette même énergie ne pourrait-elle être aussi de mise dans la lutte contre l’utilisation des enfants dans des guerres, dans des mines, dans des chaînes de montage d’usines insalubres ?
Or, comme je le constate depuis de nombreuses années, les rangs citoyens sont bien clairsemés pour soutenir les membres des services médicaux et les militants pour les Droit des Enfants lorsqu’ils défilent .
Pour conclure, tout cela prêterait à changer de sujet et à tourner la page, s’il ne s’agissait pas d’un inquiétant retour à une société où une minorité de gens veut fondamentalement changer ce que des générations d’êtres ont lutté pour mettre en place, c’est-à-dire une société fraternelle.
Reportage photographique : Francis Duwyn.
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Si cette incroyable diatribe avait été écrite et enregistrée il y a un an, peut-être aurais-je été enclin à comprendre, peut-être. Tenter de placer un nom savant imprononçable ne rend malheureusement pas son auteur plus intelligent. Surtout qu’en tant que journaliste il peut lui même se qualifier de ce terme au regard de ses connaissances avérées en épidémiologie… Je partage cependant totalement cet avis sur les récupérations malheureuses par certains et des comparatifs osés et même indécents avec la seconde guerre mondiale. Toutefois, au regard de la violente discrimination dont l’auteur fait preuve, si la situation n’a rien à voir, les mécanismes restent malheureusement tout à fait les mêmes. J’en veux pour preuve aujourd’hui les tags sur les vitrines des magasins en Allemagne incitant à ne pas acheter aux non-vaccinés. Pour quelqu’un qui affiche sa bienveillance comme carte de visite, les propos sont loin de la fraternité annoncée. Mais les faits sont têtus et ce qui était complotiste hier devient plus que probable aujourd’hui. Le virus du pangolin rodant sur le marché aux portes d’un laboratoire, le succès de la vaccination permettant d’échapper à de nouvelles contaminations… l’étau se resserre mais si j’aurais bien aimé, moi aussi, qu’il en soit autrement. Quant aux chiffres de 80 à 90 % e non vaccinés dans les hôpitaux, il y a bien longtemps qu’ils ont été démentis, même en catimini par une certaine Karine Lacombe difficilement taxable de complotiste. Si cet auteur cherchait la vérité alors qu’il semble, lui aussi la détenir, en faisant preuve d’un peu d’humilité et de fraternité dont il se gausse, ce clivage évoqué laisserait plutôt place à un débat constructif mais cela ne semble malheureusement pas à l’ordre du jour. Je vous souhaite à tous un joyeux Noël, en espérant que vous ne le passerai pas seul à la cave avec un morceau de bûche, en combinaison de ski et moufles pour cause de lucarne ouverte…