dimanche, novembre 24, 2024

Exclusif : La Bourgogne d’Henri Vincenot racontée par sa fille(1/2)

Claudine Vincenot est la fille d’Henri (1912-1985), chantre et « Père » de la Bourgogne, à qui une salle est dédiée au Musée de Dijon, ainsi qu’une rue de cette ville et un collège à Louhans.

Elle nous a partagé quelques propos exclusifs sur cet auteur dont les ouvrages marquent encore la littérature dite de terroir : Le Pape des escargots, Les Étoiles de Compostelle, Le Maître des abeilles

Elle nous livra aussi une réflexion de son père :

« Pauvre Grand-mère Bourgogne, tu es si ardemment et si fréquemment vantée par tant de conférenciers bien intentionnés, par tant d’écrivains en mal de régionalisme, que j’ai peur de parler de toi, en dépit de l’amour violent que je te porte ! (…) Ce n’est pas facile d’évoquer sa province lorsqu’elle est trop belle, trop riche, trop à l’aise dans ses vêtements de pourpre et d’or et vraiment trop semblable à l’idée que l’on s’en fait lorsqu’on prononce simplement son nom, son nom dodu, tendre et charnu : Bourgogne ! »

 Ensuite, Claudine Vincenot évoqua longuement son père :    

« Alors, me direz-vous, la Bourgogne de Vincenot, ce n’est que cela ?

C’est d’abord l’enfant qui répond, l’enfant que je fus, rêvant sa vie dans une Bourgogne magique, celle que mon père à longueur de balades dans les friches et de veillées au coin du feu, nous contait, nous chantait, nous découvrait

Toute occasion était bonne pour rire et admirer notre province, jamais ronchonne, jamais grognonne :  dans ses récits, la Belle étalait sans vergogne ses côteaux vineux, les croupes dorées de ses collines, les grands bois sauvages, les friches solitaires et les grasses pâtures généreuses.

Dijon, dessin d’Henri Vincenot (reproduction avec l’aimable autorisation de Claudine Vincenot)

Pour moi, fille de mon père, la Bourgogne vit par son regard, cette Bourgogne multiple et secrète où « trucule » la vie et où l’amour fait loi.

« La Vie est belle ! », nous disaient les parents. Et… c’était pourtant la deuxième guerre mondiale lors de laquelle Henri fut arrêté par la Gestapo. Geôle dont, tout blessé qu’il fût, il s’échappa par monts et friches de cette Bourgogne qu’il connaissait « par cœur » : il nous racontait cette vilaine histoire comme une aventure de Tintin et nous en redemandions chaque soir !

Écrivain, conteur fabuleux, mais aussi peintre : la maison de mon enfance était une exposition permanente de ses tableaux, dans une senteur inoubliable d’huile de lin et de térébenthine. Tous les ocres et les pourpres des vendanges, les bleus de cobalt ou de céruléum des ciels glacés d’hiver, les verts crus ou subtils des pâturages d’Auxois, nous donnaient, à nous ses enfants, un bonheur sans faille. Une vision de notre province, certes, mais plus large aussi : une vision du monde qui nous fouettait le sang et nous forgeait un bel enthousiasme ; aide souveraine qui aidera, plus tard, à ne faire qu’une bouchée des vilénies de la vie ; vision d’artiste qui sait mettre à portée de regard un bonheur « craquant », mais d’une réalité qui n’occulte pas la mort et chante la terre nourricière, à la fois berceau et demeure ultime.

 

Photos : Claudine Vincenot

Chant : Ban bourguignon (Youtube)

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