35 ans de combat pour un monde plus juste et plus solidaire, 35 ans d’action pour que soient reconnus les droits de tous les peuples…
Aujourd’hui, la Fondation Danielle Mitterrand poursuit le chemin tracé par sa fondatrice et l’adapte à un monde toujours perturbé, plus chahuté.
- Avec Marion Véber, responsable des programmes à la Fondation Danielle Mitterrand
Danielle Mitterrand a toujours eu le souci de donner la voix aux sans-parole, aux sans-papiers, aux sans-terre. Le droit de tous les peuples était au centre de toutes ses préoccupations. Aujourd’hui, est-ce que la Fondation revendique encore cette priorité ? Est-ce toujours le cas, voire encore plus ?
« C’est toujours central. Le droit des peuples, c’est ce qui nous a fait démarrer en tant que Fondation. Donner la voix aux sans voix, cela tenait beaucoup à cœur Danielle Mitterrand. On continue aujourd’hui en mettant en lumière les actions qui sont portées directement par les peuples. A l’époque, on défendait beaucoup les Sahraouis, les Tibétains et les peuples autochtones dans leur recherche d’autodétermination et de respect de leurs droits. Aujourd’hui, c’est toujours d’actualité. Il y a des soulèvements populaires un peu partout, au Liban, au Chili ou ailleurs, où le peuple se réveille, exige le respect de ses droits, exige de pouvoir retrouver son pouvoir. C’est pour cela que l’on a développé tout un programme autour des questions de démocratie, et notamment de démocratie radicale qui essaie de dépasser les régimes représentatifs, pour retrouver l’essence du mot démocratie : le pouvoir au peuple, par le peuple, pour le peuple. »
Droits des peuples, biopiraterie, droit à l’eau, citoyenneté, sont l’ADN de la Fondation. 35 ans après, quels sont les positionnements majeurs de la Fondation ?
« Globalement, cela reste le même ADN, la défense des droits humains et des biens communs du vivant. C’est cet entrelacement entre les droits de l’homme et de l’environnement : comment les deux s’interconnectent et comment une Terre viable au niveau écologique permet et facilite la réalisation des droits humains et leur plein épanouissement ? Vu l’urgence actuelle et les enjeux majeurs aujourd’hui, quand on voit les soulèvements populaires et ce qu’il y a derrière comme critique des pouvoirs établis, du capitalisme et des ravages en cours, on est obligé d’acter des positionnements encore plus forts pour remettre au centre un certain nombre de choses. »
« Redonner sa place au vivant »
La Fondation a donc désormais deux axes de travail, « Vivant et commun » et « Alternative démocratique et commun », avec l’idée derrière de faire émerger un autre rapport au vivant.
« On le voit aujourd’hui, le néolibéralisme productiviste entraîne des ravages majeurs, l’extinction de la biodiversité, le réchauffement climatique… Cela pose la question de comment on doit habiter cette Terre, et de quel rapport on a avec les non-humains, avec les écosystèmes. Il faut essayer de redonner toute sa place au vivant. Cela a toujours été très central pour la Fondation, mais on le réaffirme encore plus. On essaie d’adopter une démarche plus systémique qu’avant où on avait une porte d’entrée par l’eau, une porte d’entrée par l’extractivisme, une porte d’entrée par la biopiraterie. Là, l’idée est de travailler tous ces enjeux en même temps. Derrière, c’est un seul et même système qui est en cause : un vivant qui est là, à la disposition des humains, à exploiter, à aménager. L’autre affirmation, c’est d’essayer de reposer ces questions de démocratie en actes, de démocratie radicale. On le lie à cette question de l’autonomie, de l’autodétermination. La question des communs est une piste intéressante pour essayer de repenser à la fois le rapport au vivant, le rapport à l’autre, la manière de faire société. C’est une alternative au capitalisme néolibéral et au dépassement de notion de propriété privée. »
« Opérer une rupture franche »
Il y a donc une nécessité de s’adapter aux défis de plus en plus nombreux ?
« C’est une bonne question. Une des premières piste a été d’acter le caractère systémique de tous les ravages contre lesquels on essaie de lutter. On estime que cela va permettre d’arrêter de raisonner en silo, qui est le problème aujourd’hui, où l’on ne raisonne que sur le climat, que sur la biodiversité que sur l’eau. On a aussi acté que, face à l’urgence, il fallait arrêter de croire à la transition, une notion qui induirait que l’on va y aller petit à petit. Il faut opérer plutôt un rupture franche. C’est pour cela que l’on parle de concept de métamorphose et de rupture. Comme disait Einstein, on ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l’on engendré. Ce n’est pas en essayant de faire des petites améliorations par-ci par-là que l’on va arriver à trancher le problème. »
« Multiplier les fronts de résistance »
« Face aux enjeux, on est obligés de multiplier les fronts de résistance, d’entremêler les stratégie et de soutenir tous les acteurs qui essaient de se soulever, que ce soit par des actions classiques de plaidoyers, que par des occupations de territoires, des réappropriations de lieux. L’urgence est de montrer qu’il y a des alternatives qui se construisent et qui sont très importantes. Il faut essayer d’ouvrir les imaginaires et se dire qu’un autre monde est possible. On en revient à ce que Danielle Mitterrand a toujours dit. C’est pour cela qu’elle était très proche du mouvement altermondialiste. Un autre monde est possible, il est déjà en construction. »
Est-ce à dire que, malgré la force du message de Danielle Mitterrand, ses alertes n’ont pas encore pleinement portés leurs fruits?
« Aujourd’hui, c’est difficile de ne pas être au courant de la situation. La logique du court terme prime. Pour beaucoup, toutes les catastrophes à venir du changement climatique, c’est encore assez loin. C’est pour cela qu’on a décidé d’arrêter le plaidoyer et le fait d’attendre des Etats. On fait le choix plutôt de soutenir ceux qui sont sur le terrain, ceux qui sont déjà en train de métamorphoser, ceux qui vont racheter des forêts pour les gérer en commun, ceux qui vont monter un réseau d’entraide en lien avec le Covid, ceux qui vont récupérer des fruits et légumes pour en faire des repas. Des choses très diverses et variées, qui peuvent paraître anecdotiques, mais qui fleurissent un peu partout et qui sont assez profondes dans la rupture qu’elles opèrent avec ce qu’on a l’habitude de faire. C’est cela que l’on veut les soutenir en priorité pour leur donner plus de visibilité afin d’arriver à convaincre que, in fine, il y a déjà une métamorphose en route.«
Pour aller plus loin
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