lundi, novembre 25, 2024

Angela Davis : « Je suis optimiste car nous avons généré de nouveaux espoirs »

Angela Davis d’Éric Fottorino, livre publié en 2020 par Légende (Photo P.Gf), ne peut qu’attirer l’attention en librairie compte tenu de son grand format et des nombreuses photos qui l’illustrent, mais aussi par le sujet consacré à ce célèbre personnage qui reste une icône pour maintes personnes.

Angela Davis, âgée de 77 ans, militante américaine emblématique des Droits humains, professeure de philosophie à Santa Cruz avec « Histoire de la prise de conscience », continue de défrayer la chronique, non seulement par ses nombreuses publications et apparitions publiques, mais également par son engagement citoyen qui perdure depuis les années 1970.

À cette époque, elle fut emprisonnée durant près de deux années aux motifs de « meurtre, kidnapping et conspiration » lors d’une action du « Black Panther Party », un mouvement révolutionnaire de libération afro-américaine.

Cette arrestation eut un retentissement international et la jeune femme reçut le soutien de personnalités comme Louis Aragon et Jean Prévert et celui de centaines de milliers de manifestants, dont je fus, à travers le monde.

Après son procès qui se déroula en 1972 où elle fut innocentée, elle poursuivit sans relâche son combat pour la paix, contre le racisme, pour les droits des femmes…

Si la pandémie au COVID-19 m’empêcha une rencontre prévue l’année dernière avec elle à Bruxelles en « présentiel », comme on dit à présent, après maints contacts et grâce à l’autorisation et l’aimable intervention de Stéphane Decrey du Forum des Droits humains à Genève[1], voici la quintessence d’une « rencontre virtuelle » avec Angela Davis (photo : capture d’écran P.Gf).

  • Jeunesse et ségrégation raciale

« Le fait d’être entrée dans un mouvement qui désirait transformer l’histoire, est venu de mon enfance en Alabama quand ma mère me disait que la ségrégation raciale n’était pas éthique, que ce n’était pas l’ordre sous lequel nous devions vivre et que nous devions changer cette situation, en somme que nous devions défier le racisme structurel. »

  • Un mouvement collectif

« J’ai toujours développé la perspective d’une lutte internationale collective pour transformer le monde dans les nombreuses campagnes où je me suis impliquée. Ce fut d’ailleurs une conscience collective qui m’aida à rester en vie et à échapper à la chambre à gaz. »

  • Émergence d’une conscience collective

« Compte tenu du nombre impressionnant de violences policières à l’égard des Noirs, d’aucuns disent que rien n’a changé. Pour ma part, je constate que de plus en plus de personnes blanches ont rejoint le mouvement antiraciste lors des manifestations ayant lieu suite aux assassinats de George Floyd et d’autres et, ensuite, ma position est que nous devons apprendre à reconnaître nos victoires, même les petites, même si elles n’arrivent pas à transformer les conditions que nous souhaitons changer, nous devons quand même reconnaître que notre activisme radical fait la différence et permet l’émergence d’une conscience collective du caractère institutionnel, systémique et structurel du racisme. »

  • Optimisme

« Naguère le racisme était traité comme un défaut individuel. Aujourd’hui, je suis optimiste car nous avons généré de nouveaux espoirs.  Partout, dans le monde avec les images des huit dernières minutes de la vie de George Floyd on a reconnu que le lynchage était toujours un phénomène aux États-Unis, que la Justice ne devait pas se réduire à traduire un individu mais un système structurel où des policiers sont fondamentalement entraînés et formés pour exercer la violence. Or, la sécurité des communautés ne peut pas être obtenue par la violence. »

  • Pollution planétaire

« Le capitalisme a aussi eu pour moteurs l’esclavagisme et le colonialisme et il faut reconnaître que les idées racistes ont pollué toute la planète.

Des jeunes prennent la tête de mouvements de lutte avec de nouvelles approches différentes des années 1960 et j’apprends auprès d’eux la nature collective et la façon de lutter en mettant également en cause le patriarcat.

Les mouvements de masse doivent continuer à mettre la pression sur les gouvernants et il faut dire que le racisme n’existe pas de manière abstraite. Nous devons continuer la recherche pour comprendre la manière dont les   réalités sociales fonctionnent.

Ainsi, toute approche de justice sociale, du féminisme, de l’anticapitalisme, le racisme et la façon de percevoir le monde à travers cela doit également inclure la question du climat, l’empoisonnement de la planète. »

 

  • La révolution

Enfin, le dernier point abordé par Angela Davis fut ce qu’elle entendait par le concept de « révolution ». Après avoir parlé du génocide de peuples, des violences, surtout celles faites aux femmes, de la crise migratoire, de sécurité sociale, de la destruction de la faune et de la flore, du besoin d’abolir le système carcéral et policier actuel et de revoir le système économique qui veut que la concentration des richesses soit dans les mains de quelques personnes, de l’intersectionnalité, de la nécessaire reconnaissance de l’histoire de l’esclavagisme et du colonialisme, de constater la féminisation grandissante de la société, elle donna un exemple sur ce qui est à prendre conscience afin d’agir collectivement pour que les choses évoluent vers un monde plus juste : « La classe   des travailleuses et des travailleurs, dit-elle, est constituée de personnes de tous parcours et réalités ethniques et raciaux et il faut être conscient que le racisme est justement  utilisé pour diviser cette classe. Ensuite, il y a donc lieu d’imaginer un futur qui soit basé non plus sur le profit mais sur les besoins des êtres humains. »

Je termine cette chronique en citant une de ces déclarations majeures durant cette heure de « rencontre virtuelle » : « À quoi sert une libération si on n’a plus de planète pour en profiter ? »

[1] Festival du film et forum international sur les Droits Humains, Genève, 2021. Site fifdh.org

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