jeudi, novembre 21, 2024

Fondation Danielle Mitterrand : 35 ans de refus de l’irréparable

Défendre les droits humains et les biens communs du vivant, construire un monde plus solidaire, ce sont les missions dévolues à la Fondation France Libertés il y a 35 ans par sa créatrice Danielle Mitterrand.

En mars 1986, Danielle Mitterrand s’est lancé dans le combat contre toutes les souffrances des hommes pour construire un monde plus solidaire.

Avec cette Fondation, Danielle Mitterrand disait vouloir être le maillon d’une alternative à la mondialisation capitaliste et à l’injustice. Qu’est-ce qui a motivé, il y a 35 ans, la création de cette Fondation ?

« La création de cette Fondation est d’abord dû à la personnalité de Danielle Mitterrand qui a tout le temps été une insoumise, une rebelle, qui a toujours résisté à toutes les injustices, quelles qu’elles soient. Souvent elle disait, mais quel mobile nous pense à défendre des causes indéfendables, qui semblent perdues ? Elle disait, sans doute, c’est le refus de l’irréparable. Toute la motivation de la création de la Fondation se trouve dans le refus de l’irréparable. Elle ne pouvait pas supporter de voir des injustices et que ces injustices perdurent. Toute sa vie, elle n’a été qu’engagement et résistance. C’était un mode de vie pour elle. Il ne faut pas oublier qu’à 17 ans elle a obtenu la médaille de la Résistance. Je pense que c’est ce qui a forgé sa raison de vivre, sa façon de résister à toutes les injustices quelles qu’elles soient. Elle a toujours défendu tous ceux qui étaient sans, les sans-parole, les sans-papiers, les sans-terre. Elle a toujours été du côté des opprimés et des plus faibles. Elle ne supportait pas l’injustice. Elle n’aimait quand on disait d’elle, c’est une femme engagée. Non. Elle était engagement. C’était une philosophie de vie. »

La Fondation est née de la fusion de trois associations humanitaires, « L’association du 21 juin », « Cause commune » et « La France est avec vous ». Et le choix s’est vite porté sur le nom de France Libertés.

« C’est un beau label, c’est un beau nom France Libertés. Et libertés avec un S. Pour elle, la liberté n’était pas un concept. C’était défendre les libertés, tout ce qui fait la vie, les libertés dans notre vie. C’est ce qui était important pour elle. Ce n’était pas la liberté comme un concept philosophique. Il faut se rappeler le logo de la Fondation : le mélange du chêne, la force du chêne et la paix représentée par l’olivier. »

© France Libertés

Un contre-pouvoir

Comment elle s’adaptait entre son statut de femme du président et sa volonté, sa nécessité de s’engager, de porter des combats ?

« Il y a eu des situations sans doute très délicates. Lors de petits déjeuners dans la rue de Bièvre, il y avait des discussions fort animées. C’était très compliqué. Elle a dû donner des sueurs froides au ministre des Affaires étrangères qui était Roland Dumas à l’époque. Je pense que c’était une forme de contre-pouvoir. Et François Mitterrand devait apprécier cette situation. Il disait que tout pouvoir devait susciter son contre-pouvoir. Avec sa Fondation, elle exerçait une sorte de contre-pouvoir. Elle faisait ouvrir les yeux à certains. Elle allait voir les vrais gens. Elle racontait comment parfois elle s’est un petit peu ennuyée quand elle devait tenir la conversation avec des femmes de présidents dans la diplomatie officielle. Elle préférait aller voir sur le terrain, déjouer les programmes qui étaient faits d’avance pour aller voir la réalité des choses. C’est à partir de cette réalité-là qu’elle pouvait aller dénoncer toutes les injustices. Je pense qu’elle a su utiliser cette position de « première dame », nom qu’elle n’aimait pas à juste titre, pour être active sur un autre terrain. »

Un lieu de dialogue

Comment ses sont passés les premiers temps de la Fondation ?

« La Fondation au début était au Trocadéro avec la vue sur l’esplanade qui s’appelle maintenant l’esplanade des Droits de l’Homme. Chaque fois qu’on allait dans les locaux de la Fondation, il y avait une ambiance très enthousiaste. On savait qu’on allait rencontrer là des écrivains, des artistes de la planète toute entière. Je me souviens qu’il y avait Breyten Breytenbach qui luttait pour les droits de l’Afrique du Sud avec l’ANC. C’était toujours très joyeux, très enthousiaste. On savait qu’on allait pouvoir dialoguer. Cela foisonnait d’idée. C’était plein de jeunes qui entouraient Danielle. Elle s’est beaucoup entourée de la jeunesse. On pensait pouvoir réaliser plein de choses. Ces rencontres avec toutes les nationalités, c’était extraordinaire. »

Vous étiez au démarrage de la Fondation. Vous étiez en Gironde, avec des comités relais. Comment ça fonctionnait ?

« Ce n’était pas hiérarchisé comme une association. C’était des comités qui n’existaient que par le projet qu’ils portaient. Les comités avaient le choix, soit de relayer les actions de la Fondation, soit de travailler sur des actions initiées par les associations locales. Il y avait des comités dans chaque département. A l’époque, cela soulevait un enthousiasme considérable. »

Jacqueline Madrelle avec Danielle Mitterrand / © Fondation Danielle Mitterrand

La rencontre des enfants sud-africains

Et c’est en Gironde que vous avez été amenée à accueillir des enfants sud-africains victimes de l’apartheid. Une belle aventure humaine.

« Moi j’ai des souvenirs extraordinaires avec le comité relais. Notamment quand Danielle Mitterrand nous avait demandé d’accueillir ces enfants d’Afrique du Sud, juste avant la libération de Nelson Mandela, cela devait être à l’été 1989. On ne savait pas forcément tout de ces enfants qui était accompagnés par des adultes qui étaient membres de l’ANC. C’était une aventure humaine dont on se souvient encore avec beaucoup d’émotion. Cela avait suscité un grand élan de solidarité de plein de corps de métiers, notamment de l’Education nationale, de la médecine. Ces enfants étaient souvent victimes de crises de paludisme. C’était des enfants de 10 ans à 18 ans. A l’époque il y avait en France un racisme sous-jacent. Ces enfants devaient être accueillis dans des familles le week-end. Peu de maires ont acceptés de les accueillis dans un collège. A l’époque, le collège d’Hourtin dans le Médoc, dans le nord de la Gironde, a accepté d’accueillir ces enfants. Et le week-end ils partaient dans des familles. Je me rappelle d’être allé chercher ces enfants à la Fondation, d’avoir pris le train avec eux. Et ces enfants ne voulaient pas s’asseoir à côté des blancs dans le train, parce qu’ils avaient l’apartheid dans leur chair. Pour eux, marcher à côté d’un blanc, c’était du domaine de l’interdit. Au fur et à mesure, on a appris à se connaître. Il se sont familiarisés avec la proximité des blancs. C’était une aventure humaine très intéressante. »

Et ce chemin plein d’humanité avec ces enfants s’est achevé sur un grand spectacle.

« Ces enfants étaient dans une école de danse. La veille de leur départ, ils ont donné un grand spectacle à Hourtin, en présence de Julien Clerc qui était venu pour soutenir la lutte antiraciste. Il faut se replacer dans le contexte des années 1989. Les Touré Kunda ont chanté sur scène avec les enfants et les enfants ont donné un spectacle inoubliable en présence de Danielle. La Fondation pour moi c’est une grande famille. Ca toujours été quelque chose de très joyeux, plein d’humanité. Danielle donnait cette énergie-là. »

Et à travers cet accueil des enfants sud-africains, c’est le droit des peuples qui était mis en avant par Danielle Mitterrand.. Une constante de l’action de la Fondation, aux côtés également du droit à l’eau ou de la citoyenneté. Une révolte contre toute les injustices que nous continuerons d’évoquer la semaine prochaine.

Pour aller plus loin :

 

 

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