vendredi, novembre 22, 2024

Prospérité : le projet d’autonomisation se heurte à un méga projet industriel

Prospérité, c’est un village de Guyane, non loin de Saint-Laurent-du-Maroni, qui se réinvente.

Depuis des décennies il est confronté à de nombreuses difficultés, perte d’identité, de savoir-faire ancestraux, de cultures traditionnelles. Une situation qui a poussé ses habitants à se lancer dans un vaste projet d’autonomisation pour retrouver une indépendance. Un projet qui prend forme à l’heure où un méga projet industriel s’impose à eux : la construction d’une centrale électrique hybride qui devrait sortir de terre non loin du village.

Et c’est ce qui inquiète Benoît Hurtrez, le coordinateur général du projet Prospérité.

« On n’est pas opposés au projet en lui-même, à son aspect technique, même s’il y a beaucoup de choses à dire. C’est une première mondiale. On n’a pas de recul dessus. On parle de la Guyane comme zone d’expérimentation. C’est une centrale hybride qui va utiliser l’électricité produite par les panneaux solaires pour casser la molécule d’eau, stocker l’hydrogène, et avec l’hydrogène faire tourner des piles à combustibles. A priori, c’est un système de production qui est vraiment adapté aux mines d’or, à l’orpaillage, en utilisant le cyanure. On ne pense pas que ce soit bénéfique pour les besoins en électricité des populations civiles. On ne se bat pas vraiment sur cet aspect technique, mais sur l’emplacement du projet. Les prometteurs du projet et les acteurs politiques savent que cette zone-là était demandée en concession. C’est du foncier qui est demandé depuis des années. Et là, des entrepreneurs arrivent, et on leur dit oui au bout de quelques mois. Il s’agit d’un terrain de 200 hectares qui va longer le village à 600 ou 700 mètres. Cela bloque toutes les activités de cueillette, de chasse, de promenade, de récolte dans la forêt. Ce qu’on demande, c’est de déplacer le projet pour que le village puisse continuer à respirer. »

© Chronique du Maroni

Benoît Hurtrez s’inquiète également de l’impact environnemental de la future centrale.

« On nous promet qu’il n’y a aucune pollution et que c’est 100% écologique. Mais on leur répond qu’on ne déforeste pas l’Amazonie pour mettre des panneaux solaires, alors qu’il existe déjà des endroits déforestés en Guyane, à trois ou quatre kilomètres du projet. La première aberration, c’est de déforester pour mettre des panneaux solaires. Ensuite, cela a un impact sur la circulation des animaux, la migration de la faune. Cela a un impact sur l’eau, sur les rivières alentours. Et cela a un impact aussi dans les pays où sont extraits les matériaux pour produire les panneaux solaires, les batteries. On nous présente un projet 100% bio. Mais il ne l’est pas du tout. Il y a une autre communauté, les Saramaka, qui habite un peu plus loin, qui aura des expropriations par rapport à la future cité pénitentiaire. Donc on va unir nos forces dans le combat sur un thème simple : ne pas coller des industries aux habitations. Laisser les usines, les industries, séparées des hommes, que les hommes puissent respirer. Il ne faut pas agglutiner ces installations dans des villes qui deviennent monstrueuses. On a la chance à Saint-Laurent-du Maroni, une ville qui est jeune en pleine expansion, de ne pas reproduire les erreurs qu’on a pu constater à travers le monde. Au contraire, on peut faire une ville plus verte, plus respectueuse de l’homme et de la nature. »

Pour mettre sur pied ce projet d’autonomie, le village fait appel au soutien financier du plus grand nombre, faute d’écoute des pouvoirs publics. Benoît Hurtrez….

« Il nous faut des financements pour lancer cette phase matérielle du projet. Cela aboutira ensuite à une phase plus réflexive, plus philosophique. Comment on devient moins dépendant, qu’est-ce que c’est que l’autonomie ? On a eu la chance d’avoir des donations privées et de la Fondation Danielle Mitterrand qui nous soutient énormément. Nous avons une cagnotte solidaire sur Internet, sur le site Leetchi. N’hésitez pas, on a besoin de vous. Et on a fait d’autres demandes de subventions. Il y a une philosophie dans notre projet, une éthique. C’est une démarche où l’on réfléchit à l’assimilation, à la globalisation, au néocolonialisme. Aux yeux de l’Etat, on a rarement des réponses favorables, parce que cela tique un peu. Cela peut poser des problèmes aux financeurs, aux bailleurs de fonds, de soutenir des termes comme stop à l’assimilation, ou stop à l’industrialisation de masse. Cela peut coincer parfois. »

Pour aller plus loin :

https://www.facebook.com/chroniquedumaroni/videos/234413774340851/

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