En Guyane, c’est un village de 300 habitants qui se réinvente.
Prospérité, c’est son nom, est un village amérindien Kalina situé à 15km à l’est de Saint-Laurent-du-Maroni. Depuis des décennies il est confronté à de nombreuses difficultés. Le village s’est donc lancé dans un vaste projet d’autonomisation pour retrouver une indépendance.
Benoît Hurtrez, est le coordinateur général du projet Prospérité. Et selon lui son village se retrouve entre deux mondes et perd, peu à peu, son identité.
« Cela ne concerne pas seulement les Amérindiens Kalina. Il y a différentes cultures qui se voient englober dans un système capitaliste qui fait que tout est chamboulé dans les cultures, dans les traditions, dans les familles, dans l’organisation en général des modes de vie. On peut constater beaucoup ça en Guyane. Ce sont des cultures qui sont entre deux mondes. Elles sont malheureusement en train de perdre leur identité propre en essayant de rattraper un monde moderne occidental qu’on leur présente par la télé, les réseaux sociaux, mais aussi par l’administration. La grosse difficulté pour eux est de s’adapter à un nouveau monde sans perdre la culture et les traditions d’origine. Et c’est vraiment un défi énorme qui ne fonctionne pas. Au final, on constate des communautés qui ne sont plus adaptées à leur monte d’origine, ni au nouveau monde. Ce sont des situations qui mènent pour certaines communautés à des suicides. C’est un gros souci, notamment sur le haut du fleuve Maroni. Les gens sont perdus. On ne sait plus qui ont est. »
Et comme beaucoup de communautés amérindiennes, les Kalina se sentent ignorées par la métropole.
« On a vraiment l’impression de ne pas être entendu en tant qu’entité, en tant que communauté à part entière, avec des revendications spécifiques à nos communautés. Ici en Guyane, on pointe très souvent du doigt le premier article de la Constitution française qui dit que la République est une et indivisible. C’est quelque chose qui pose régulièrement problème. On peut bien comprendre dans cet article que nous sommes tous des hommes au même titre, on a les mêmes droits. Or, je crois qu’avec cette formule-là, on lisse tout, on uniformise tout. Et on perd nos identités, on perd nos particularités. Par exemple, ici en Guyane, cela freine énormément pour le foncier. Il y a des peuples autochtones, qu’ils soient Bushinengé ou Amérindiens, qui réclament des zones de foncier, des parties de forêt pour continuer à vivre à leur manière. Ce sont des choses qui ne sont pas acceptées, parce qu’on leur dit, non, vous êtes soumis aux mêmes lois que tout le monde, il faut être propriétaire, il faut acheter. Or, la plupart du temps, ici chez les Kalina, la propriété individuelle n’existe pas. C’est la propriété collective qui prime. »
Face à ce constat, le village s’est donc lancé dans un projet pour retrouver une autonomie perdue.
« Les Amérindiens ont été autonomes pendant des siècles. Là, on va essayer de reprendre de l’autonomie. Ce n’est plus l’autonomie traditionnelle des Amérindiens. C’est une réflexion beaucoup plus moderne. Dans un premier temps, on va essayer d’avoir un lieu de vie commun avec des machines en commun. »
De nombreuses activités sont prévues sur le village, pour retrouver de l’autonomie et de l’indépendance.
« On aura un atelier traditionnel, la mise en commun d’outils et savoir-faire, un atelier d’agro transformation, où il s’agira de transformer et de conditionner les produits agricoles du village. Il y a aura un autre pôle d’atelier artisanat, où ce seront des machines à coudre, des tours de potier, tout le matériel pour réaliser des vêtements, des poteries, des bijoux, de la vannerie. Ensuite on a le pôle médiathèque, un lieu de réunion, de conférence, le bureau. C’est aussi là où on diffuse du cinéma au quartier, des reportages, des documentaires. Ensuite on a un jardin partagé, un potager en permaculture où on va essayer de réfléchir à de nouvelles techniques agricoles. Il y a aussi une basse-cour. Nous aurons également un carnet de passage. C’est une petite structure d’hébergement qui peut accueillir soit des personnes extérieures au village, soit des touristes, soit des intervenants. C’est un lieu où on peut poser son hamac. Il y a la pépinière qui est construite. On a posé les premières plantes. L’idée, c’est de pouvoir replanter des bois d’œuvre, des bois de forêt. Elle va nous servir aussi à planter des fruitiers et tout type de plantes qu’on va pouvoir vendre pour faire une petite rentrée d’argent dans l’association. Et puis, selon les avancées du projet, selon les financements de l’association, on envisagera une autonomie énergétique avec des panneaux solaires, un four solaire, des séchoirs solaires pour conserver des produits d’une autre manière. »
Et une gouvernance qui entend réellement associer l’ensemble de la communauté, réunie autour du chef coutumier.
« C’est une gouvernance plutôt collégiale. La chefferie, chez les Kalina, est très particulière au niveau du village. Le chef coutumier est le porte-parole de la population. C’est vraiment beau à voir pour qui ne connaît pas ce fonctionnement. Le chef coutumier va lancer la réunion, puis ce sont les anciens qui vont parler dans le calme, avec une écoute de l’assemblée vraiment très respectueuse. Chacun va parler. C’est une espèce de consensus. C’est l’écoute qui fait la décision. Ce n’est pas le chef coutumier qui dira ce qui est décidé. C’est une espèce de feeling, de bon sens dans la réunion. On a considéré les avis de chacun. et cela aboutit à telle proposition, telle action. »
Le développement de Prospérité se heurte toutefois à un projet industriel de centrale électrique hybride qui devrait sortir de terre à proximité.
On en reparle la semaine prochaine.
Le projet Prospérité est à retrouver sur la page de la cagnotte ouverte sur le site de Leetchi.
Pour aller plus loin :
La cagnotte Leetchi de Prospérité Autonome
Village Prospérité Autonome : le projet est en marche
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