« La crise sanitaire n’est pas encore finie, mais déjà les illusions s’effacent. On aurait tant voulu y croire, pourtant, à cette promesse d’un monde nouveau. Un monde plus humain, plus juste, plus respectueux de l’environnement, moins financier, moins consumériste… plus désirable, enfin. On rêvait de circuits courts, de relocalisation, de consommation responsable. Il était question de transformer la peur en espoir, de réanimer notre humanité, de redonner du sens au progrès, de se réapproprier le bonheur. C’était en mai, c’était il y a un siècle, tant ces promesses paraissent aujourd’hui hors-sol », écrit Natacha Tatu dans sa rubrique de L’Obs « Opinion » titrée : « Des lendemains qui déchantent »[1].
Alors, comme une rengaine récurrente, voire une prière adressée au ciel, on entend beaucoup d’anciens évoquer les « Trente Glorieuses », ces années de 1946 à 1975 considérées comme une période de croissance économique, de plein emploi, de bonheur…
C’est faire fi des événements de Mai 68 qui, quand même, secouèrent la Société dans son ensemble, y compris le monde ouvrier, car tout n’était pas rose pour tout le monde.
C’est ce qu’explique Marc Pasteger dans son ouvrage Les Années 70 paru aux Éditions La Boîte à Pandore : « Le 1er janvier 1970, la France vit plutôt très bien. Sur la lancée des golden sixties et entendant profiter du vent de liberté qui a soufflé au mois de mai 68, elle se permet même de traverser une période ‘‘ peace and love ’’ où, à en croire les hippies, tout le monde serait beau et gentil. »
Ce livre empli d’anecdotes souvent croustillantes, retrace une période qui fait dire à d’aucuns que « c’était mieux avant » et, effectivement, imagine-t-on en France interpeller le président Macron comme ce que raconte Marc Pasteger au sujet de l’un de ses prédécesseurs à l’Élysée : « En vacances au fort de Brégançon, Georges Pompidou se baignait. À la sortie de l’eau, des enfants s’approchèrent de lui et l’un d’eux lui demanda un autographe. Le président accepta et signa. Puis le gamin en réclama un second :
— C’est pour ton petit frère ou ta petite sœur ? interrogea Pompidou.
— Non, non, mais, à l’école, avec deux Pompidou, on a un Hallyday !
Il semble bien que cet homme-là offrait le profil idéal pour incarner une époque unique dont le souvenir fait encore rêver. »
Les Années 70 est un livre qui fout le bourdon à tous les nostalgiques de ces années mais, après le beau temps vient aussi la pluie, voire les tornades : « Non, les années 70 ne furent pas toujours formidables ! s’exclame Marc Pasteger. Elles constituent un mélange de la fin de l’insouciance des années 60 et une sorte de bande-annonce géante des gros soucis qui pourriraient les années 80. Alors pourquoi voue-t-on aujourd’hui un culte à cette décennie-là ? D’abord parce que nous avons presque naturellement tendance à enjoliver les souvenirs et que se réfugier dans un passé, a fortiori embelli, peut réconforter ceux en ayant besoin. »
Ensuite, l’auteur fait défiler ses anecdotes au hasard de ses notes, rencontres en tant que journaliste et écrivain, ses lectures, et de façon totalement subjective, précise-t-il, des vedettes, comme l’on disait à l’époque, de tous poils, des vraies stars et autant d’étoiles filantes… »
Étoiles filantes, comme les promesses d’un « monde nouveau » en mai 2020, en somme. L’Histoire est bien un éternel recommencement.
[1] 20 août 2020.
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