Théorie des complots, infox, fake news, actions antihumanistes… : qui est derrière ce fléau qui empoisonne la Société ?
Engendrer, manier et répandre de fausses informations, tel est le dessein des comploteurs, conspirateurs, complotistes et conspirationnistes unis dans le même but de nuisance et de dresser des citoyens les uns contre les autres.
De nombreux observateurs rappellent que ces procédés ne sont pas nouveaux et furent significatifs de la propagande nazie, fasciste, franquiste, vichyste, salazariste, communiste…, exception faite que dans la manipulation contemporaine, les réseaux sociaux sont à présent parties prenantes au point que l’on parle de « message viral » quand c’est répandu à grande échelle. Parfois planétaire.
Une technique derrière laquelle se cachent maints anonymes ou groupuscules, alors que des Trump et Cie en font une tribune mondiale de matraquage et prosélytisme.
Ces derniers mois, COVID-19 et confinement/déconfinement obligent probablement, une nette recrudescence du complotisme doublé d’un antihumanisme exacerbé est constaté.
Parmi les exemples relativement récents, épinglons cette déclaration de l’auteur Marek Halter[1] au sujet de la pandémie actuelle spécifiant que la télévision russe diffusa une information soulignant que « les milliardaires internationaux » détenaient l’antidote au virus et qu’ils attendaient que la peur envahisse tous les continents pour commercialiser le médicament à prix d’or. L’écrivain précisa : « Et qui sont-ils, ces milliardaires internationaux ? Des juifs ! La fausse information ne va pas tarder à se répandre en France », disait-il en mars. Eh bien ! C’est fait, Monsieur Halter.
Et, comme pour les complotistes, qui dit juif pense automatiquement franc-maçon, la théorie du complot judéo-maçonnique a repris force et vigueur.
Comme à l’époque nazie, des listes de francs-maçons circulent publiquement sur Internet afin d’éradiquer les « satanistes »[2], par exemple sur un site français sous la forme d’un montage de sigles d’organisations et d’un titre racoleur : « Francs-maçons qui nous gouvernent » : Club de Rome, UNESCO, CIA, Klu Klux Klan…[3] Canular ? La suite fait état d’une liste « non exhaustive » et cite des noms liés aux fonctions, tel celui d’une « ancienne ministre franc-maçonne de la secte maçonnique du Grand Orient de France… »
Ce qui n’a pas été non plus un canular s’est déroulé durant cet été 2020, avec l’article dans Métropolitain (édition de la région occitane), hebdomadaire français du groupe Publi Hebdos[4] : « À Métropolitain, il y a belle lurette que nous possédons les noms des gendarmes, policiers, douaniers, sapeurs-pompiers, avocats et magistrats – ainsi que des confrères – qui fréquentent assidument les obédiences héraultaises… Mettre son nez dans une loge peut vous envoyer en enfer. »
Généralement, les complotistes se targuent de donner des « indices » » pour reconnaître ceux qui conspirent. Ainsi, un site musical[5] de l’hexagone a créé la rubrique « Corneto ».
Outre différentes explications (cocu en Italie, « Je t’aime » en langage sourd et muet…), on y lit : « Certains adeptes de théories sur une conspiration possible vous dirons que c’est un geste montrant l’appartenance à une société élitiste secrète des dirigeants de notre monde… Possible, c’est un code maçonnique (…) »Dès lors, il n’est pas étonnant de constater que se répandent les profanations de tombes juives, les menaces, tags (surtout avec des croix gammées), insultes, agressions verbales et physiques envers des juifs et francs-maçons, le vandalisme et le saccage de temples (Tarbes, Poitiers, Rennes, Vienne, Serrières…)
Ce récurrent phénomène du complotisme fait l’objet de multiples commentaires et, parmi eux, il apparaît intéressant de répercuter celui de Ryan Holiday, chroniqueur et auteur américain, qui, sur base d’une longue expérience personnelle (« J’ai été un manipulateur de médias »), explique que la manipulation sur Internet est l’enfance de l’art, puisqu’il suffit de se faire passer pour un expert, créer un faux scandale, qu’aussitôt de nombreuses personnes vont le relayer sans vérifier la source.
Sur Wikipedia, Ryan Holyday, le faux expert déclaré, s’y présente comme « manipulateur de médias » et pourtant, de grands médias de la planète ont repris ses informations comme paroles d’Évangile.
Peut-on rester indifférent face à ce phénomène qui gangrène de plus en plus la Démocratie ? Jouer la politique de l’autruche n’est pas une solution citoyenne, responsable.
Une proposition d’attitude à adopter émane de l’Université de Limoges.
Elle paraît digne d’intérêt : « Les séminaires de recherche doivent être l’occasion de discuter sans préjugés de l’ensemble des idées aujourd’hui présentées dans notre société et, si elles sont contraires à nos valeurs, c’est aussi l’occasion de les combattre, mieux que par la censure. »
À présent, il faut passer de la théorie à la pratique. Sur le terrain et en urgence.
[1] Le Vif-L’Express, 27 mars 2020.
[2] Sur Wikipedia, une liste publiée par un sympathisant de l’extrême droite belge fut finalement supprimée.
[3] « Éveil de la conscience », site visité en juillet 2020.
[4] Une centaine d’hebdomadaires payants, journaux gratuits, quotidien… pour quelque 3,1 millions de lecteurs. Le groupe compte 900 salariés, également des imprimeries, régie publicitaire…
[5] French-metal.com, visité en juillet 2020.
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