Restons confinés, et imaginons le monde d’après !
La pandémie de coronavirus impose à chacun un autre rythme, une autre manière de penser le quotidien. Mais au-delà de la question sanitaire qui reste prioritaire, cette crise peut-elle être révélatrice des dérives de notre modèle de société ? Et quelle transformation primordiale va-t-elle engendrer ?
Avec Jérémie Chomette, directeur de France Libertés
La semaine dernière, nous avons vu que le municipalisme peut être un outil pour construire autre chose. Mais l’épreuve que chacun de nous traverse fait aussi naître ou réapparaître des solidarités. Comment capitaliser dessus ? Comment retisser des liens pour revenir à l’essentiel ?
« Revenir à l’essentiel est fondamental. Et cette crise va peut-être nous aider. Il y a plusieurs mouvements qui existent déjà et qui se renforcent. D’autres sont en train de naître. Si on veut qu’ils perdurent, l’important est de leur permettre de se structurer dans le temps et de garder leurs intentions. On sait qu’une fois que l’on va être déconfiné, on va avoir une tendance à oublier ce qui s’est passé. C’est très important de ne pas oublier ce qui s’est passé et de se rappeler pourquoi c’est arrivé. Il va falloir travailler sur les causes de cette crise, pourquoi on en est arrivé là. Et chercher des solutions pour que cela ne se reproduise pas. Ces solutions se retrouvent beaucoup dans les mouvements de solidarité. Il est important de relier ce qui est en train de se passer avec les autres crises. Tant qu’on aura pas résolu les crises économiques, les crises écologiques, les crises démocratiques, ces mouvements n’auront pas atteint leurs buts. »
Vous l’avez souligner dans votre édito sur le site de la Fondation : « Une grande majorité des Etats du monde ont fait passer l’humain avant l’économie et le profit néo-libéral« . Est-ce que cette machine néo libérale « mortifère », comme vous dites, peut être arrêtée ?
« Oui. C’est ce qu’on est en train de s’apercevoir. Aujourd’hui certes c’est pour un temps court, mais la machine est quasiment à l’arrêt. Les avions restent cloués au sol, le pétrole est de moins en moins raffiné. Donc on peut arrêter. Malheureusement, c’est venu d’une pandémie. Il faudrait qu’on le fasse tous ensemble. On se rend compte qu’on peut vivre, et qu’on peut vivre autrement. Oui, elle peut être arrêtée, on le voit. La question c’est, comment réussir pour qu’elle le soit pour toujours. Et pour qu’elle le soit pour toujours, on ne peut pas juste l’arrêter. Il faut mettre en place des actions qui permettent de remplacer cette machine par plein d’actions différentes. Et de substituer, à nos fonctionnement actuels, de nouveaux fonctionnements. »
Renverser cette machine mortifère
Certains dirigeants de ce monde redécouvrent les vertus d’un service public fort, d’une économie locale, de proximité, en dénonçant ce qu’ils ont eu même vanté : la loi du marché. Est-ce qu’on peut compter sur ces beaux discours ? Ou faut-il plus que jamais que l’action collective amène les transformation nécessaires ?
« C’est vrai que cette pandémie est très importante. Mais ce n’est pas la première crise très importante que nous vivons dernièrement. On a vu les méga-feux en Australie, les canicules, les catastrophes écologiques. On a perdu 60% des animaux sauvages, des insectes. A chaque fois, on a beaucoup de paroles et très peu d’action de la part de nos gouvernants. D’abord parce qu’il ne savent pas faire autrement et parce qu’il sont liés au modèle de société qui entraîne cette destruction. Les discours sont beaux. Mais la seule façon de changer, cela ne pourra apparaitre que par une action collective des citoyens, des associations, des syndicats. Il y a des possibilités de renverser cette machine mortifère, mais elle ne pourra pas venir de nos gouvernants. C’est à nous de mettre en place d’autres façons de vivre et de faire société. »
Passer de l’intention à la réalisation
On est au seuil d’une vraie révolution des consciences ?
« Je pense que la révolution des consciences est déjà là. Depuis 2018. On est arrivé au bout de ce monde qui s’intéresse surtout à l’argent et peu aux autres, peu à la santé, peu à l’écologie. On en est conscient. La difficulté c’est, comment on passe d’en avoir conscience, à l’action. On ne sait pas encore comment changer ce monde-là. Donc il nous faut proposer des exemples d’endroits où cela marche, des outils qui nous montrent qu’on peut vivre autrement. Se rendre compte que c’est faisable, que c’est possible. Ce qui permettra de passer de cette révolution des consciences à une réelle révolution ou transformation sociétale. C’est un peu le pari. L’ambition de la Fondation, c’est de montrer que, partout sur la planète, cela se passe déjà. Il y a déjà des choses qui se produisent, qui vident les Etats et les multinationales de leur pouvoir et qui les remplacent par des choses bien plus agréables. Il y a un changement d’échelle, à partir de cette révolution des consciences, à produire. Passer de l’intention à la réalisation, c’est l’urgence aujourd’hui.«
Pour aller plus loin :
- L’humain, le vivant, « coûte que coûte »
- Solidaires dans l’épreuve
- Coronavirus : après la crise, réinventons demain !
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