Nin a grandi avec une mère distante et un beau-père abusif. Elle a donc très tôt fui le nid familial. Elle développe alors une passion pour la musique, devient guitariste, puis vendeuse dans un magasin de disques. Elle file le parfait amour avec Jeff, jusqu’à ce que la déception prenne le dessus. En effet, Nin se découvre stérile, incapable d’offrir un enfant à l’homme qu’elle aime. La passion s’étiole, s’essouffle, et Jeff finit par entamer une relation avec une autre femme. Le doute s’installe petit à petit, et Nin réalise qu’elle est en train de tout perdre. Un jour, elle les surprend tous les deux et, dans une scène très rapide, assez confuse, on comprend à peu près qu’elle met fin aux jours de la maîtresse de son compagnon. Prenant conscience d’avoir souffert de l’absence d’une figure paternelle et que cela a désormais de graves répercussions sur sa vie actuelle, elle décide de partir à la recherche de ce géniteur inconnu. Lorsqu’elle sonne à sa porte, elle constate avec stupeur que la voix qui lui répond est exactement la même que la sienne, c’est son double, sa soeur jumelle dont elle n’a jamais entendu parler, Anna. Leurs parents s’étant séparés très rapidement et douloureusement, ils ont décidé de garder chacun une de leurs filles et de couper tout contact. Anna, malgré la vie aisée que son père lui a offerte, est une jeune femme perturbée, psychotique, peut-être même bipolaire. Elle est incapable de s’occuper de son fils, Natsuo, qui vit à Tokyo avec son père japonais. A la lecture de cette scène de retrouvailles, on peine à y retrouver l’intensité qu’elles devraient comporter. Même lorsque Nin annonce son crime, sa fuite, c’est le plus naturellement du monde que sa nouvelle famille lui promet de tout faire pour l’aider, comme une évidence. S’ensuivront des voyages, plusieurs mois à Venise, à New York, une vie presque de bohème, bien que l’on constate que Nin doit rester vigilante car elle est recherchée et sa vie est menacée. Les événements se suivent et se succèdent un peu trop vite, toujours avec une facilité presque déconcertante. Il en est de même pour la temporalité de l’histoire; mis à part les rares indications de date, il est très difficile de parvenir à deviner à quelle vitesse les jours, les semaines passent. Peut-être est-ce un choix délibéré de l’auteur, comme pour mettre en exergue le côté brouillon de son héroïne. Au fil des pages, on finit tout de même par comprendre que nous suivons de nombreuses années de la vie de Nin, emplie de nouveaux tiraillements, déchirures, doutes, de décisions difficiles à prendre ou à accepter, afin de renaître d’une manière ou d’une autre. La fille à ma place, paru aux éditions Favre, est le premier roman fictionnel de Catherine Le Goff. Psychologue et hypnothérapeute de profession, elle a pu aisément se servir de ses connaissances du fonctionnement et du comportement de l’être humain pour concevoir cette histoire. De plus, on peut sentir qu’il lui tenait à coeur de regrouper ici de nombreuses pathologies, quitte, parfois, à desservir la crédibilité de ses personnages. Malgré cela, Catherine Le Goff a réussi à nous offrir un récit original et intrigant, surprenant jusqu’aux dernières lignes. Julie Tielemans pour Fréquence Terre.
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