Camille, 36 ans, est une avocate toulousaine spécialisée dans les affaires familiales. Elle est rude, ultra professionnelle, assez froide. Auprès de ses collègues, confrères et clients, son tempérament suscite de l’admiration, inspire de la crainte, mais on ne l’aime pas. Ce n’est pas non plus dans son cercle privé que l’on trouvera beaucoup de tendresse. Certes, après l’échec de son premier mariage, elle vit désormais avec Denis et ses deux enfants dont il a la garde une semaine sur deux. Mais on sent l’extrême distance de Camille, en toutes circonstances. L’avocate se charge des cas de divorces, mettant bien souvent en scène des maris abusifs. Elle s’occupe aujourd’hui de Brigitte Delmas, une affaire qui la dérange au vu de la personnalité de celle-ci. Son professionnalisme prenant le dessus, elle remporte évidemment la bataille et sa cliente obtient ce qu’elle désire. Peu après, sur les marches du Palais de Justice, Camille est confrontée à Monsieur Delmas, le mari lésé, qui surgit devant elle, une arme à la main. Le temps se fige alors, jusqu’à ce que le coup parte. Il se suicide devant l’avocate. Elle n’est certes pas responsable de cet acte, et pourtant elle est fustigée de toutes parts. Le fils Delmas, Adrien, adolescent en colère, se met à la harceler, la menacer ; l’avocate est d’autant plus déstabilisée que même son frère et sa mère la contactent, alors que nous comprenons que les liens sont rompus depuis plusieurs années. Camille en vient à perdre pied, et foire complètement la plaidoirie suivante ; c’est la première fois que cela lui arrive. Et, vu que les médias s’en mêlent aussi, on lui conseille un peu de repos, une mise à l’écart en somme. Elle profite du début des vacances et du départ de son compagnon et de ses enfants à Fréjus pour prendre du temps pour elle. Lui viennent alors à l’esprit quelques bribes de son enfance, la déception éternelle de son père qu’elle ne fut pas un garçon, le déni de sa mère, et surtout la tendresse de ses grands-parents. Car c’est auprès d’eux que les souvenirs sont les meilleurs, lorsque Camille passait les vacances dans leur maison en Bretagne. Elle décide, presque sur un coup de tête, d’y réserver une chambre d’hôtel en bord de mer, pour une semaine, pas plus, sans rien dire à personne. Et très vite, elle se surprend à couper son téléphone, ne pas s’inquiéter des affaires en cours, et à prendre plaisir non seulement à visiter les environs, mais également à profiter de quelques heures de détente à la plage, elle qui avait toujours considéré que c’était une réelle perte de temps. Avant son retour, elle s’arrête dans une fabrique de biscuits, « les Palets bretons », où elle compte acheter quelques délices à emporter et à partager. Arrivée au comptoir, elle remarque une affiche qui annonce : « recherchons assistante avec références et bonnes notions de droit ». Encore une fois, sans trop y réfléchir, elle demande à voir le responsable, et s’ensuit un entretien d’embauche, celui qui va changer sa vie, de A à Z. Certes, elle est bien trop qualifiée pour ce poste mais qu’importe, son coup de tête l’emporte. Et la voilà embarquée dans cette nouvelle aventure, à mille lieues de ses ambitions de base, et prolonge son séjour de quelques mois, pour l’instant. Personne ne sait ni qui elle est, ni ce qu’elle vit, et c’est tant mieux. Elle découvre alors la vie, la vraie, celle faite de plaisirs simples et, accessoirement, sucrés. Elle fait de nouvelles rencontres, loue une petite maison, essaie de s’intégrer dans une entreprise à l’ambiance familiale, conviviale, très loin de tout ce qu’elle a connu jusqu’à présent. Pour la première fois depuis longtemps, elle se sent enfin vivre. Les éditions Presses de la Cité publient ce nouveau roman de Martine Delomme, Le Choix des apparences. L’auteur y raconte avec une jolie sincérité le bouleversement radical de la vie de Camille, en y mêlant des éléments de plaisirs emplis de fraîcheur, et délicieux à la lecture, et d’autres éléments bien plus tragiques, en passant des relations toxiques aux traumatismes de la perte d’un enfant, pour ne citer que ceux-là. Le Choix des apparences est un roman très agréable à lire, tant par sa simplicité que par son intelligence émotionnelle, et qui donne l’envie d’un retour aux sources, d’une mise au vert, du retour à l’amour dans son caractère le plus limpide. Julie Tielemans pour Fréquence Terre.