L’Amazonie brûle… et c’est le monde qui brûle. C’est le message délivré au Festival Climax qui s’est déroulé à Bordeaux début septembre.
La plus grande forêt tropicale du monde est grignotée depuis des semaines par des incendies. Alors face aux grands discours des chef d’Etat du monde entier et à l’inertie international, le Festival s’est donnés cette année comme mission de tisser des liens entre les cultures, avec un thème : « L’Amazonie, ou le déracinement du monde ».
- Avec Marion Veber, responsable du programme droits des peuples à la Fondation France Libertés
Ce Festival s’est tenu dans un contexte particulier. Les dernières données scientifiques sont accablantes. La déforestation a quasiment doublé entre janvier et août par rapport à la même période de l’an dernier. A quoi est due cette déforestation ?
« Cette déforestation a des causes assez nombreuses, et notamment la question de l’extractivisme. C’est l’exploitation des ressources naturelles un petit peu partout sur la planète. C’est notamment celles qui se trouvent dans ces forêts primaires, que ce soit les ressources de pétrole, de mines ou tout simplement le bois. Et puis il y a la déforestation pour installer du bétail ou des cultures de soja qui viennent alimenter les animaux de l’élevage intensif. Il y des causes nombreuses. Ce que l’on note, c’est une accélération depuis l’arrivée du président Bolsonaro au Brésil. C’est assez inquiétant. Lui-même, en tant que président, a largement incité à cette déforestation en cherchant à faire de cette forêt, qu’il considère comme improductive et qui ne contribue pas suffisamment à l’économie, un territoire a exploiter ».
Un sentiment d’insécurité
Depuis l’élection de Bolsonaro, les choses se sont vraiment aggravées ?
« Oui. En termes de déforestation, cela s’aggrave. On peut aussi noter les attaques que subissent les peuples autochtones, notamment deux assassinats récemment. Là aussi, ses propos sur les peuples autochtones n’incitent pas à un climat de paix. Bien au contraire. Sur la question de la violence, on est sur une augmentation du sentiment d’insécurité chez les autochtones face à des discours présidentiels qui invitent à ce que les autochtones soient intégrer le plus possible à la population brésilienne, qu’ils n’aient plus de territoire. On est sur des propos assez forts qui incitent à la violence de ces peuples. Donc monsieur Bolsonaro indirectement, et directement avec certaines de ses politiques, commencent à faire s’aggraver la situation en Amazonie brésilienne ».
Le thème de ce festival Climax a été décidé avant que Bolsonaro ne soit élu. Les choses ont donc changé depuis. Le festival a donc pris une autre dimension ?
« C’est sûr que le choix du sujet est on ne peut plus dans l’actualité. Le sujet complet du festival c’était, l’Amazonie ou le déracinement du monde. C’était l’idée d’avoir une analyse des causes du déracinement. C’est la déforestation. Et , moins littéral, le déracinement, c’est ces peuples autochtones toujours plus déracinés, perdus entre tradition et modernité. C’est aussi la question des Noir-Marrons, ou des Bushinengués, ces anciens esclaves qui ont fui ce système et se sont retrouvés à créer une nouvelle façon de faire société. C’est aussi la question du rapport à l’autre qui était posée dans ce festival. C’était à la fois le rapport à la nature, mais aussi le rapport à l’autre et comment réharmoniser tout cela ».
L’appel de Raoni
De nombreuses personnalités étaient présentes à cette édition dédiée aux peuples autochtones. Beaucoup de leurs représentants étaient à Bordeaux, à commencer par le chef Raoni. Quel message a-t-il voulu faire passer ?
« Malheureusement c’est un peu le même message qu’il nous délivre depuis des années. C’est un message de destruction de l’Amazonie, de destruction plus générale de la nature et du vivant, une véritable menace qui pèse à la fois sur les peuples autochtones mais qui nous concerne tous. Car en détruisant l’Amazonie, on détruit des équilibres écosystémiques très importants pour l’équilibre du bien-être de notre système Terre. Son discours était très axé aussi sur la situation avec monsieur Bolsonaro où les tensions avec les peuples autochtones sont d’autant plus fortes. Il a appelé à ce qu’une solidarité se créée avec les peules autochtones du Brésil. C’est l’idée de faire connaître la situation de ces peuples et d’appeler à un climat beaucoup plus de paix et de solidarité entre les peuples ».
Ces peuples sont les sentinelles de la planète ?
« Oui. C’était une idée très forte du festival. C’est pour cela qu’il y avait un grand nombre de représentants autochtones invités. Une des idées majeures était la nécessité d’avoir un autre rapport à la nature, de repenser les relations avec les humains et les non-humains. Et de repenser notre rapport au vivant et de revenir à l’élément essentiel. Nous humains, faisons partie de la nature. On a eu trop tendance à se mettre au-dessus et à chercher à exploiter la nature et faire en sorte qu’elle ne serve seulement qu’aux intérêts des humains. Dans ce cadre de réflexion, les peuples autochtones ont beaucoup à nous apporter puisqu’ils entretiennent des relations avec la nature qui sont beaucoup plus harmonieuses que nous, occidentaux ».
Et la semaine prochaine nous reviendrons sur ce festival et sur son message d’une nécessaire métamorphose de nos sociétés.
Pour aller plus loin :
- Festival Climax
- L’Amazonie au cœur du festival Climax
- Brésil : la déforestation a presque doublé sur un an
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