Le G7 a-t-il vraiment permis des avancées sur la protection de la planète ? A entendre Emmanuel Macron en clôture du sommet, les sept ont pris conscience de l’urgence. Et le chef de l’État a même dit avoir « changé ».
- Avec Jérémie Chomette, le directeur de la Fondation France Libertés
Le G7, « des pompiers pyromanes »
La Fondation était présente à Biarritz, au contre-sommet. Avant d’en parler, quel regard portez-vous sur ce G7 ? Est-ce que son bilan, notamment sur la question climatique, est positif ?
« Cela dépend de là où l’on regarde. Pour nous, le bilan n’est pas du tout positif. Le symbole, c’est cette aide qui est apportée au Brésil et à l’Amazonie. En fait, on a des pyromanes. Les Etats, par leurs actions, entrainent ces feux et cherchent à agir sur les conséquences plutôt que sur les causes. On va donner de l’argent pour envoyer les canadairs, plutôt que de se poser la question à long terme : pourquoi ces feux existent et pourquoi la planète est en feu ? Ces questions sont directement liées au capitalisme et aux méthodologies employées par les Etats ».
C’est donc un double discours du chef de l’Etat, comme l’ont souligné les peuples autochtones de Guyane, par la voix du Grand conseil coutumier ?
« C’est exactement ça. On va dire qu’on va agir. On agit sur les conséquences. Et dans le même temps, on dit qu’il faut sauver l’Amazonie, mais on donne plus de 360 000 hectares de la Guyane, de la partie française de l’Amazonie, à des multinationales. Dans le même temps, les premiers protecteurs de l’Amazonie et des forêts dans le monde ne sont pas associés à ces décisions. Et la France, alors qu’Emmanuel Macron aime à rappeler l’importance de l’écologie, n’a toujours pas ratifier la convention 169 de l’OIT (Organisation internationale du travail) qui reconnaît les droits des peuples autochtones. La France est l’un des rares pays à ne pas l’avoir fait. On a d’un côté, un discours, et de l’autre côté des actes. Et les actes ne correspondent pas aux discours. »
La France « incite à faire de la déforestation »
Le Grand conseil coutumier a aussi mis en cause les importations faites par l’Europe en général et la France en particulier. C’est un des éléments qui vous amène à dire que les discours et les actes ne sont pas en cohérence ?
« Exactement. C’est lié à notre fonctionnement. Les États tentent au maximum de développer la croissance. Pour développer la croissance, ils font de l’agrobusiness. Pour réussir cela, ils ont besoin d’un maximum de soja. C’est ce qui permet de nourrir une grande quantité d’animaux. Et le soja est importé du Brésil et notamment de l’Amazonie. Donc on autorise la coupe et la déforestation de l’Amazonie pour planter des champs de soja pour les vendre à l’étranger. Donc la France, en privilégiant un modèle d’agriculture intensive, incite les Brésiliens à faire de la déforestation pour pouvoir faire des champs de soja ».
Emmanuel Macron a un peu a reconnu une part de responsabilité dans la déforestation. Il a aussi mis en avant la menace de ne pas signer l’accord UE-Mercosur. Vous ne lui en donnez pas quitus ?
« On attend des actes. Cela fait deux ans qu’Emmanuel Macron est président, deux ans qu’il lance des grands discours. Mais dans les actes, il n’y a rien qui se passe. On attend des actes. La reconnaissance des peuples autochtones en est un, mais aussi le changement de système d’agriculture ».
« Il n’y a pas qu’une seule vision du monde »
Un contre-sommet s’est déroulé à Biarritz. La Fondation était présente. Quel en était la raison d’être ?
« La raison première est de dire qu’il n’y a pas qu’une seule vision du monde. Il y a d’autres formes d’actions et de penser le monde. Il y a ces sept Etats qui se retrouvent et qui veulent faire la pluie et le beau temps, et il y a des gens qui ne sont pas d’accord ».
Que faut-il en retenir ? Quels ont été les grands thèmes discutés, les pistes de réflexion ?
« La première volonté est de dire « un autre monde est possible ». Cet autre monde est déjà en marche. Il y a des alternatives au capitalisme et à ce que nous propose le G7. Elles existent. Il s’agit de les montrer et de se réunir pour les réaliser. On avait construit sept thématiques : la lutte contre le capitalisme, la question du climat et de l’environnement, le féminisme, diversité et liberté des peuples, la démocratie, la solidarité, notamment internationale, et les questions des migrations et d’accueil des migrants et des frontières. On avait défini ces sept thématiques pour opposer, aux actions de destruction, des alternatives concrètes ».
Est-ce que c’est juste un moment où les ONG échangent, où on confronte les expériences, ou est-ce que cela a vocation à ouvrir sur des actions ?
« La première vocation est d’échanger et de mettre en lumière. C’est aussi une base pour aller de l’avant et créer des liens entre les différents mouvements. L’idée est de créer des passerelles, de montrer notre pluralité. Dans notre pluralité, on a envie de faire ensemble ».
« Notre modèle d’agriculture doit complément changer »
Sur la question de l’Amazonie, est-ce qu’il y a eu des débats ou des propositions d’action lors de ce contre-sommet ?
« C’est quelque chose qui était assez transversal. On parle beaucoup de l’Amazonie. Mais on sait qu’il y avait des feux de forêt énormes en Afrique centrale et en Russie. On a beaucoup parlé d’agriculture. C’est notre modèle d’agriculture pour réussir à vivre et à se nourrir qui doit complément changer. Ces importations massives, qui sont faites en provenance de ces différents pays et qui incitent la déforestation, sont à remettre en cause. En plus, ces importations ont un coût environnemental très fort. Il s’agit de réinvestir dans une agriculture beaucoup plus locale, beaucoup plus raisonnée et qui prend soin à la fois de la nature et des gens, et notamment des paysans. On avait la Confédération paysanne et d’autres paysans qui racontaient la souffrance que peuvent vivre certains agriculteurs de devoir produire sans cesse, en fonction de la politique agricole commune qui incite surtout à faire de la quantité et pas de la qualité ».
L’Amazonie, nous aurons l’occasion d’en reparler dans 15 jours, avec Marion Veber, à l’occasion du festival Climax qui se déroule du 5 au 8 septembre à Bordeaux.
Pour aller plus loin :
- Amazonie : la tribune du Grand conseil coutumier
- G7, le contre-sommet réussi malgré la pression policière
- Le contre-sommet du G7 fédère autour de la lutte contre le système capitaliste
- Manifeste : l’appel du Contre-G7
- Face au G7, résistance et alternatives
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