186 morts et 122 disparus ! La rupture du barrage minier le 25 janvier à Brumadinho, au sud-est du Brésil, s’annonce comme une nouvelle catastrophe environnementale et humaine de plus.
Trois ans après le drame de Mariana, les conséquences écologiques risquent fort d’être majeures. Et comme à Mariana en 2015 avec le peuple Krenak, c’est la vie d’un autre peuple autochtone qui est menacée, les Pataxó Hã-hã-Hãe.
Avec Marion Veber, chargée de mission Droits des peuples à la Fondation France Libertés
Les représentants de cette population dénoncent l’exploitation démesurée de la nature au nom du développement. Est-ce que cette nouvelle tragédie en annonce d’autres ? Est-ce qu’elles peuvent se reproduire au Brésil ?
« Oui. On le constate puisque, suite au crime de 2015, le PDG s’engage à prendre des mesures, mais ce n’est pas le cas. Ce qu’on constate c’est qu’au Brésil il y a des failles d’un point de vue de la sécurité des barrages et de la surveillance de ces structures minières en général. Mais ce n’est pas que le cas du Brésil. Partout dans le monde, on a connu des ruptures de barrages de déchets miniers, que ce soit en Roumanie ou dans d’autres Etats. Et donc cela pose finalement la question de l’extractivisme en général qui, en mettant les profits en priorités, fait fi des droits humains, de l’environnement et des potentiels morts que cette activité pourrait générer ».
Le 27 janvier, soit deux jours après la catastrophe, une alerte a été lancée non loin de là face au risque d’une rupture imminente d’un deuxième barrage appartenant à la même entreprise. Le 8 février, c’est ArcelorMittal qui a évacué 200 personnes d’une communauté située sous un barrage de la multinationale. Est-on dans un cycle infernal ? Le système est-il à bout de souffle ?
« C’est exactement ça. C’est d’ailleurs ce que dénoncent les peuples autochtones avec lesquels on travaille, mais aussi un grand nombre d’ONG et d’habitants qui souffrent de ces crimes. C’est effectivement un système qui aujourd’hui n’a plus de sens parce qu’on voit ses limites, mais qui malgré tout semble indépassable. C’est à dire qu’on vend ce système comme indépassable, comme forcément nécessaire à la société telle qu’elle est construite aujourd’hui. Et c’est vrai que l’extractivisme est le premier maillon d’une chaîne qui nous conduit jusqu’au consumérisme et la société telle qu’elle a été imaginée ces dernières décennies. Donc effectivement il faut aujourd’hui réfléchir à réformer tout ce système. Il y a des initiatives en ce sens à l’international notamment pour mieux encadrer les activités des multinationales pour que, a minima, les droits humains passent en priorité sur les profits. Mais on est encore très loin d’une réelle évolution sur ce plan-là ».
Les dangers de la politique de Bolsonaro
Dans ce contexte, en quoi la politique du nouveau président Jair Bolsonaro constitue un danger pour ces peuples et pour l’environnement ?
« Quand on a appris l’élection de Jair Bolsonaro, la plupart de nos partenaires au Brésil, très inquiets, nous ont communiqué leurs craintes parce que Bolsonaro a clairement annoncé vouloir augmenter les projets extractivistes, et notamment en Amazonie sur les territoires autochtones. Donc ce sont effectivement des annonces qui sont assez menaçantes pour ces peuples, pour leurs droits, pour l’environnement. Et les premières politiques prisent déjà par Bolsonaro du côté autochtone sont déjà un signal très fort. La démarcation des territoires autochtones vient de changer de ministère de tutelle. Elle passe à l’Agriculture qui au Brésil est très proche des lobbies de l’agrobusiness. Donc il y a déjà plusieurs signaux comme ça qui nous donne à voir que la politique de Bolsonaro serait une véritable dévastation pour les peuples et l’environnement. Et quand on sait le rôle que joue le Brésil dans le climat et les régulations climatiques sur le plan international, c’est vraiment dramatique. Donc il y a des fronts de résistance qui essayent de s’organiser. Mais étant donné que Bolsonaro prône aussi un renforcement de la criminalisation des gens qui vont s’opposer à ces politiques et aux projets de développement, il est à craindre que les marges de manœuvre soient assez compliquées au Brésil. C’est pour ça que la solidarité internationale doit vraiment être d’autant plus forte ».
Une leçon pour Montagne d’Or
Est-ce que ces drames qui ont lieu au Brésil peuvent interpeller la France et faire réfléchir, notamment sur le projet Montagne d’or en Guyane ?
« Oui. Ils interpellent. Ils donnent de la matière au collectif ou à la société civile qui s’opposent ou qui montre les limites de certains projets et notamment de Montagne d’or. Ce nouveau crime de janvier 2019 a été régulièrement évoqué par les députés, même par le ministre de l’Environnement récemment à l’Assemblée nationale. Donc effectivement c’est un événement qui marque, mais pour autant est-ce que les conséquences seront prises derrière ? La question est encore entière ».
Pour aller plus loin :
- Brésil : après la rupture d’un barrage qui avait fait plus de 300 victimes, le PDG de Vale quitte « temporairement » ses fonctions
- Au Brésil, la multinationale Vale provoque des catastrophes en toute impunité
- Rupture du barrage au Brésil : la justice sanctionne le géant minier Vale
- Rupture de barrage au Brésil: le personnel d’ArcelorMittal évacué
- Brésil : un deuxième barrage minier menace de céder, deux jours après l’accident qui a fait au moins 34 morts
Podcast: Download