De manière récurrente, on entend encore dire que le terme « profession » signifie travailleur intellectuel, tel un professeur, alors que le mot « métier » s’adresse au travailleur manuel, à l’ouvrier ou à l’artisan, par exemple. Fausse affirmation, bien sûr, comme s’il ne fallait pas penser pour exercer un métier, en somme ! Dans le cadre des « Journées européennes des Métiers d’Art 2018 », « Fréquence Terre-RFI », en partenariat avec le magazine « POUR », a été à l’écoute de Pascal Mulpas[1], Maître restaurateur d’oeuvres d’art, et d’Arnaud Étienne[2], tailleur de pierre et ébéniste, formé durant une décennie à l’école du Compagnonnage. Leurs témoignages sont la preuve qu’au-delà de l’excellence à manier les outils, un véritable devoir de transmettre leur immense savoir les habite.
« Mains qui créent sont mains qui pensent », est la devise d’André Colpin[3], artisan papetier et Maître graveur à Bergerac, Compagnon du Devoir et du Tour de France sous le nom de « Liégeois la main royale ». Je la partage volontiers en souvenir d’un passé ouvrier, étant devenu « passant » via les médias, entre autres, et une bonne occasion de surenchérir avec cette autre citation compagnonnique qui m’est chère : « La main est la prolongation de l’esprit » et, de la sorte, donner successivement la parole à Pascal Mulpas, puis à Arnaud Étienne.
Un supplément d’âme
Voici quelques extraits de l’interview de Pascal Mulpas ([4]) :
« Restaurateur en œuvres d’art spécialisé en restauration de tableaux, je transmets mon savoir-faire à de jeunes stagiaires qui viennent se former dans la restauration de tableaux des XVe et XVIe siècles.
L’important est de transmettre son savoir aux jeunes générations pour qu’elles puissent reprendre le flambeau. Mais, la maîtrise cela s’apprend, jusqu’au moment où on atteint une autonomie. C’est cela la transmission, le Compagnonnage, c’est l’accompagnement par de praticiens et des techniques, celles-ci passant par la maîtrise de la main et de l’œil.
L’importance dans la restauration est le regard humain qui transmet à la main. Nos métiers ont encore cette sensibilité de donner un ordre à la main, ce qui ne sera jamais le cas avec une machine ou un ordinateur. Chez l’artisan, il y a une poésie, un supplément d’âme… »
Des valeurs humanistes
Extraits de l’entretien que nous avons eu avec Arnaud Étienne, tailleur de pierre et ébéniste :
« Au-delà d’apprendre un métier, ce que j’ai appris dans le Compagnonnage, c’est d’abord une vie en communauté. On forme un homme ou une femme autour ou grâce à un métier.
Il y a l’apprentissage manuel des techniques de base et, à côté de cela, on a tous une culture à acquérir. Celle-ci nous vient de voyages, d’année en année, de ville en ville, d’entreprise en entreprise, en France, à l’étranger, et on côtoie des personnes différentes, des cultures différentes, des façons de travailler différentes, c’est tout ça qui permet de créer une encyclopédie du savoir du métier, culturel et humain.
Au sein du Compagnonnage, nous essayons d’apprendre des valeurs humanistes par le métier. Devenir un Homme ou une Femme ! Quelqu’un qui a des valeurs.
Ensuite, notre devoir de Compagnon est de transmettre ce savoir. Un métier ne nous appartient pas. On le prend, on l’utilise, on le bonifie et ensuite on le transmet aux générations futures, comme le fit mon grand-père qui m’a transmis l’amour des métiers du bois, de la pierre et du métal… »
[1] www.espace14emeart.eu
[2] www.a-etienne.com
[3] https://www.artmajeur.com/andrecolpin/
[4] La totalité des interviews : podcast ci-dessous.
Podcast: Download
quel plaiir de te rencontrer dans mes recherches …et MERCI !!!