Le droit à l’eau et à l’assainissement sera-t-il un jour un droit effectif pour tous ? Il y a un an, en février 2017, une proposition de loi portée par plusieurs associations était débattue par les parlementaires. La discussion s’est interrompue alors que le texte était sur le bureau des sénateurs. La fin de session parlementaire et les élections présidentielles et législatives ont stoppé l’examen du projet de loi.
Mais, 2018 pourrait bien être l’année du droit à l’eau en France. Dans une lettre ouverte, France Libertés, la Coordination Eau bien commun France et la Coalition eau interpellent les parlementaires pour relancer le débat.
- Avec Emmanuel Poilane, le directeur de la Fondation France Libertés.
Vous reprenez le flambeau de ce combat pour faire reconnaître le droit à l’eau. Avec les associations qui vous soutiennent, qu’attendez de la part des élus par rapport à l’ancienne mandature ?
« Pour nous c’est une continuité. On a l’ambition de faire en sorte que le droit à l’eau soit reconnu en France. On n’a pas réussi à le faire dans le précédent quinquennat. Là, on a fait le choix, avec la quarantaine d’associations engagées sur le sujet, de faire une lettre à l’ensemble des parlementaires pour leur indiquer les priorités qu’il y avait à mettre le droit à l’eau en œuvre dans notre pays. On espère, par ce travail, constituer un petit groupe de parlementaires vraiment engagés sur le sujet pour qu’ils nous aident à construire une proposition de loi pour que, dans un horizon de deux ou trois ans, le droit à l’eau soit validé. »
Le 1er février, le groupe des Insoumis a tenté de faire passer une loi pour faire de l’accès à l’eau un droit inaliénable. Sans succès. Le texte n’a même pas pu être discuté. Ce n’est pas vraiment de bon augure pour votre démarche ?
« Ce n’est jamais inintéressant d’avoir une proposition de loi qui arrive à l’assemblée sur le thème de l’eau. Nous avons soutenu la proposition faite par les Insoumis. C’était une proposition très ambitieuse qui proposait une révision constitutionnelle pour la mise en œuvre du droit à l’eau. Il y a eu un vrai débat très intéressant. Derrière ce débat, il ressort que, dès que l’on parle de l’accès à l’eau, tout le monde à une vision particulière. Mais on ne pense pas à protéger ceux qui devraient l’être. On va donc faire le choix de vraiment axer notre proposition sur le droit à l’eau, sans parler de l’accès, pour pouvoir valider que l’eau, c’est la vie. Le fait d’avoir droit à une quantité d’eau pour vivre est quelque chose d’absolument nécessaire. Si on pouvait, dans ce quinquennat, franchir cette première étape de dire, article 1, le droit à l’eau pour tous est garanti par l’Etat., ce serait formidable. Ensuite, il y a la loi Brottes qui va arriver à terme. C’était inscrit dans la loi qu’il y aurait cinq ans d’expérimentation sur la question des tarifications sociales. Le terme arrive en avril prochain. Le gouvernement va être obliger d’enclencher un processus de proposition de loi pour mettre à jour la loi Brottes et la prolonger. Cela va nous permettre de débattre de l’ensemble des sujets sur la question du droit à l’eau en France. »
Les députés et sénateurs sont-ils vraiment mieux disposés à cette évolution du droit ?
« C’est encore très difficile à dire. Ce que l’on sent, c’est qu’il n’y a pas un engouement formidable sur le droit à l’eau, même si un certain nombre de députés sont sensibles à ces questions-là. On a un groupe LREM qui est important avec plus de 300 députés. On a la possibilité de trouver un petit groupe qui soutiennent la proposition de loi. On va regarder avec eux quels sont les sujets sur lesquels on est d’accord pour faire avancer ce que l’on peut faire avancer sur ce quinquennat. La proposition de loi sera sans doute moins ambitieuse que celle que l’on portait durant les cinq dernières années. Mais on le fera au rythme des parlementaires pour franchir des étapes, marche après marche, pour que le droit à l’eau en France soit une réalité. »
Au mois de novembre 2017, le président Emmanuel Macron a annoncé la tenue prochaine d’Assises de l’eau. Vous en attendez quoi ?
« Pour l’instant, on ne sait pas vraiment. On a très peu d’informations sur la façon dont cela va se mettre en œuvre. Pour nous, les Assises de l’eau, c’est une opportunité. C’est quelque chose que l’on réclamait depuis très longtemps en lien avec l’opération « Transparence » menée avec 60 millions de consommateurs pendant plus de cinq ans. Ce que l’on espère, c’est que ce seront des Assises ouvertes où tout le monde pourra parler, où l’on pourra imaginer le droit à l’eau et l’accès à l’eau et à l’assainissement en France dans un horizon de 30 à 50 ans. Il faut imaginer les solutions indispensables pour demain. On est trop habitué en France à mettre des rustines sur une roue de vélo qui est complètement crevée. On va se heurter à des murs, notamment sur la question des investissements et du renouvellement des réseaux. On se heurte aussi à une réalité d’une partie de la population française qui ne peut pas payer son eau et qui doit être aidée. Si les Assises sont prévues comme quelque chose de très ouvert où l’ensemble des acteurs de l’eau auront la parole, y compris les acteurs de la société civile, ce sera très intéressant. Si par contre c’est fait en catimini entre les trois grands opérateurs et les services de l’Etat, c’est quelque chose que l’on dénoncera. Nous, on est prêt à coopérer avec l’Etat et l’ensemble des acteurs pour faire profiter de notre expérience et donner une voix à la société civile qui replace la problématique de l’eau dans une ambition philosophique : l’eau c’est la vie. Et il faut réfléchir à comment on repense la place de l’eau en France, pour le faire bien chez nous et porter une ambition à l’international. Il faut permettre d’imaginer, demain, ne plus avoir 800 millions de personnes qui n’ont pas accès à l’eau et deux milliards de personnes qui n’ont pas accès à des toilettes régulièrement. Il y a de vrais enjeux. »
Pour aller plus loin :
- Le droit à l’eau doit devenir une priorité politique
- Coordination Eau bien commun France
- Coalition eau
- Ce que dit la loi : les multinationales dans l’illégalité
Les organisations qui soutiennent cette initiative
Actionaid France
ADEDE
Association de défense de l’environnement et de la nature de l’Yonne (ADENY)
Association de défense des utilisateurs de l’eau de Salernes
Association Eau Bien Commun Côte d’or
Eau Bien Commun Gard
Collectif national droits de l’homme Romeurope
Coordination Eau Bien Commun Auvergne Rhône Alpes (AURA)
Coordination Eau Bien Commun Bourgogne Franche Comté (BFC)
Coordination Eau Bien Commun Provence Alpes Côte d’Azur (PACA)
Coordination Eau Ile-de-France
Coordination Jurassienne Eau et Assainissement-CoJEA
Eau Vive France
Emmaüs International
FNASAT Gens du voyage
Fondation Abbé Pierre
France Amérique Latine
Green Cross International
Hé’EAU ! Association des Usagers de l’eau d’Héricourt et du Pays d’Héricourt
Hydraulique Sans Frontières
Ingénieurs Sans frontières
Intersolidar
La voix des rroms
Ligue des droits de l’homme
Mouvement Utopia
Réseau foi et justice
Réseau Foi et Justice Afrique Europe
Secours islamique France
Toilettes du monde
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