Depuis des décennies, des rumeurs particulièrement négatives continuent de jeter un certain trouble quant au fonctionnement démocratique de l’Opus Dei ou Prélature de la Sainte Croix, ordre catholique romain fondé par Josemaria Escrivá de Balaguer en 1928. Il est composé de laïcs et de prêtres et promeut, entre autres, la sainteté au milieu du monde. Il comptait quelque 90.000 membres dans plus de soixante pays en 2013[1].
Néanmoins, cet ordre présente une image sulfureuse et réplique aux accusations et polémiques par son souci de discrétion, qu’il ne serait pas question de sacrifices corporels comme décrits par d’anciennes « victimes » mais de discipline qui règne de manière stricte en son sein, que les financements occultes, eux, ne seraient que des dons…
Alors, où en est-on depuis notre reportage sur ce sujet en mai 2016[2] ?
Philippe Liénard, avocat, auteur et conférencier, publie en janvier 2018 un ouvrage consacré à l’Opus Dei (Éditions Jourdan) et « Fréquence Terre-RFI » a pu, en exclusivité, recueillir ses impressions lors d’une longue interview, alors que l’encre de cet essai était à peine séchée…
En voici de larges extraits, la totalité de ladite interview étant reprise, ci-dessous, en podcast. Désolé pour certaines interférences dans le son.
– Que signifie Opus Dei ?
- En latin, c’est « Œuvre de Dieu » et lorsque ce mouvement est né en 1928, il s’appelait la « Pieuse union ».
– Quel est le contenu de votre ouvrage et en quoi se différencie-t-il des nombreux livres déjà parus sur cet ordre ?
- Les ouvrages déjà publiés sont, ou bien des témoignages de personnes ayant fait partie de l’Opus Dei et racontent des choses peu agréables sur ce sujet, ou bien des livres qui bénéficient de l’accord de la Prélature de la Sainte Croix et ne sont, alors, intéressants que pour ceux qui sont déjà convaincus. Mon livre ne veut ni balancer des choses à la tête de l’Opus Dei ni l’encenser, mais il s’agit d’un ouvrage de philologie (critique littéraire, historique et linguistique) « déconstructive » qui va à la racine des choses, qui explique d’où vient l’Opus Dei, comment il s’est ramifié, pourquoi il s’est développé, ce qu’il fait, quel est son pouvoir réel, quelles sont ses relations avec les francs-maçons, son rôle et son projet pour la société de demain.
– Précisément, lors de notre enquête en mai 2016, une réaction allait dans ce sens : « C’est bien de publier cela, mais il faut aller à la base et aux racines, donner la parole aux gens qui en ont été membres, ça c’est important ! »
- Pour ma part, il m’a paru intéressant de consulter l’annuaire pontifical et de savoir qui sont les membres et les proches de l’Opus Dei, car ce dernier véhicule tout un tas de coopérateurs et ratisse extrêmement large. Il n’est pas exclu d’y être franc-maçon, musulman…, et c’est une force qui lui permet de bénéficier d’une force de pénétration culturelle, sociologique, économique et politique qui peut être inquiétante. Ainsi, peu de gens savent que l’un des pères fondateurs de l’Europe, Robert Schuman, était très proche de ce mouvement. Peu de gens se doutent que le pape actuel, François, n’a pu être élu sans le concours de l’Opus Dei et sans une sorte d’accord préalable. Ce n’est pas par hasard que son prédécesseur a, pour la première fois dans l’histoire de la papauté, abandonné son trône pontifical. Ceci n’empêche pas l’Opus Dei d’être en régression et ça, on ne le dit jamais !
Le nombre de prêtres, de numéraires (célibataires qui vivent dans des centres de l’Opus Dei) et de surnuméraires (environ 65%, mariés) de l’Opus Dei diminue, par contre, le nombre de coopérateurs augmente.
– Une explication ?
- Parce que l’Opus Dei fait un peu comme l’extrême droite en France, qui se donne un visage de parti politique « normal ». L’Opus Dei a engagé des communicants de telle manière qu’il se donne un visage fréquentable et normal.
– Peut-on parler le lobby, que l’on retrouve sur certains campus universitaires pour embrigader des étudiants, par exemple ?
- Créer des résidences d’études est l’une de leurs techniques et il y a en a des centaines !
– Et la chape qui surplombe sur cet ordre, qu’en dites-vous ?
- Cette chape n’est pas surprenante. Dans la constitution de l’Opus Dei, ses membres sont tenus au secret et il est respecté. Et puis, l’Opus Dei garde un lourd secret, mais l’ordre échappe aux règles de la hiérarchie ecclésiastique car c’est une prélature personnelle du pape et n’a donc à rendre compte qu’à lui et à personne d’autre ! À la tête se trouve un prélat qui dirige l’ordre d’une main de fer.
C’est peut-être un scoop que je vais vous dire, mais la première fois dans l’histoire l’actuel prélat est Mgr Ocáriz, un Français, né à Paris, cela n’était jamais arrivé !
– Un pouvoir au sein de l’Église ?
- C’était clairement un pouvoir avec une grosse influence sur l’Église sous le pontificat de Jean-Paul II, qui en était extrêmement proche et qui, je pense, ne serait pas devenu pape sans le concours de l’Opus Dei.
Lors de son pontificat, il a eu le temps de mettre en place une présence extrêmement importante de l’ordre au sein de la curie romaine. Son successeur a continué le mouvement, ils étaient d’ailleurs très proches et, aujourd’hui, la question de savoir si l’Opus Dei est une Église dans l’Église ou un pouvoir dans l’Église, je n’ai pas objectivement de réponse parce que j’ai plus envie de vous dire que l’Opus Dei s’est transformé en une sorte de lobby multinational économique de pression spirituelle et pas qu’au sein du Vatican ! L’Opus Dei a largement dépassé les simples objectifs apostoliques de celui-ci !
– Leurs bâtiments ne sont pas des HLM ! Qui finance l’Opus Dei ?
– Votre question est un peu délicate. Officiellement, l’Opus Dei ne possède rien et est pauvre, c’est dans ses statuts. Donc, tout ce qu’il possède c’est par l’intermédiaire de fondations, d’associations… D’où vient son argent ? C’est nébuleux, mais voici quelques exemples : Juan Antonio Samaranch, un ancien président du Comité Olympique International, était proche de l’ordre et des droits de diffusion des activités olympiques, des grosses rentrées, bénéficiaient à l’Opus Dei. Des cent quatorze voyages que Jean-Paul II a faits dans le monde, une partie des produits dérivés de sa personne vendus à ces occasions bénéficia indirectement à l’Opus Dei. Les coopérateurs peuvent effectuer des dons. Certains sont conséquents puisqu’ils sont issus d’hommes d’affaires importants.
Il est donc clair que l’Opus Dei possède des bâtiments extraordinaires. À New York, par exemple, son siège est un immeuble cossu de dix-sept étages. Et, pendant ce temps-là, des communications de l’Opus Dei font état de difficultés financières…
– Quelle idéologie ou philosophie se cache derrière l’Opus Dei ? L’élitisme ?
- Oui, au début, mais il est descendu dans les couches sociales pour recruter de manière plus large. Son projet de société est celui d’une société d’obéissance où la liberté de pensée n’existe pas, où on a un directeur de conscience et tout le monde travaille sans se plaindre en écoutant ce que le chef hiérarchique a décidé. C’est une société liberticide !
[1] « La Libre Belgique », 2013.
[2] « Littérature sans Frontières » sur « Fréquence Terre », 22 mai 2016.
Podcast: Download
Cher Monsieur,Quel dommage qu’avant d’écrire ce type d’article, comme Dan Brown et tant d’autres avant vous, vous n’ayez pas essayé de faire un travail journalistique. Quand je vois le nombre d’ « erreurs » dans cet entretien, je me demande si cela est lié à un projet militant anti-Opus Dei ou un manque de recherches. Par honnêteté intellectuelle, je préfère penser qu’il s’agit de la seconde proposition. Et si vous désirez échanger sincèrement sur le sujet, je me tiens à votre disposition en vous confiant mon courriel. Je crois que vous seriez également fortement inspiré de demander un entretien avec l’abbé de Rochebrune, prélat de l’Opus Dei pour la France.Bien à vous,Louis
Merci pour votre message. Je le transmets à la personne interviewée, Philippe Liénard, auteur du livre en question. Quant à votre appréciation concernant mon travail journalistique, je suppose que vous avez mûrement réfléchi à votre comparaison avec l’auteur de romans Dan Brown qui, pour information, n’est pas du journalisme. Ceci précisé, dans mon reportage du 22 mai que je cite dans la présente rubrique (preuve que vous lisez partiellement), je présente les réponses à mes questions de membres de la hiérarchie catholique romaine, et, par déontologie, je me suis adressé jusqu’au Vatican avec mes questions. Alors, avant de porter un jugement aussi négatif de manière publique, en plus, je pense qu’il aurait été intellectuellement honnête de votre part d’analyser la totalité de la rubrique. Très bonne soirée.