lundi, novembre 25, 2024

Rumeurs et amalgames qui « tuent »

« Quand la nuit porte conseil » : citations, proverbes, paroles de vie, coutumes, légendes, croyances populaires du monde entier, débats sociétaux… proposés par Pierre Guelff.

C’est avec émotion que je dédie cette chronique à Franz Bridoux, qui, jeune résistant emprisonné en camp de concentration par les nazis, avait assisté à la création de la loge clandestine « Liberté Chérie » dans un baraquement de la mort, s’en échappa et plaça tout le restant de sa vie sous le signe du militantisme. Il m’avait également confié cette parole empreinte d’une grande sagesse : « Nous ne combattions pas les Allemands, mais les nazis ». Je lui avais confié le projet de la dite chronique et il l’approuvait sans la moindre réserve. Franz Bridoux (93 ans) a rejoint l’Orient Éternel en cette mi-janvier 2017.

Rumeurs et amalgames qui « tuent »

 Au nom d’un certain populisme[1], la franc-maçonnerie est (re)devenue une cible préférée des propagateurs de la théorie du « complot mondial », d’amalgames mensongers ou farfelus, de rumeurs virulentes, d’insinuations fanatiques émanant principalement de groupes fascistes ou de gens qui, dans le fond, véhiculent des propos non objectivés comme autant de fantasmes, d’a priori ou de préjugés.

 Sans nier des dérives fâcheuses (comme dans toute société humaine) au sein de cette organisation initiatique universelle, la menace à l’encontre de francs-maçons[2] est réelle, d’aucuns prônant l’abolition de la franc-maçonnerie, publiant des listes de francs-maçons désignés comme « pourris », préconisant même leur « extermination » par les armes !

Comme un devoir de Mémoire, il est utile, en ces temps cruciaux pour la démocratie, de rappeler que de nombreux francs-maçons (comme tant d’autres démocrates) furent pourchassés, emprisonnés, torturés, voire exécutés sous des dictatures, bien souvent avec la complicité de partisans à leur solde. Utile, aussi, d’informer de manière (très exhaustive, je le conçois) ce qu’est la franc-maçonnerie, comme j’ai tenté de le faire à plusieurs reprises sur les antennes ou dans divers ouvrages.[3]

Bâtisseurs sculptés au pied de la cathédrale d’Anvers.

– Quel est ce fameux « secret maçonnique » qui fait couler tellement d’encre ?

– C’est un ressenti absolument personnel vécu au moment de votre initiation, d’un rite, telle la Chaîne d’Union, etc. En franc-maçonnerie, il y a un ensemble fraternel et un égrégore remarquables. C’est ça, et uniquement ça, selon moi, le « secret maçonnique ». De plus, il ne faut pas confondre « secret » et « discrétion », celle de ne pas révéler l’identité de sœurs et de frères, par exemple, car cela relève de la sphère privée. Pour ma part, dès mon initiation, je me suis « dévoilé » en tant que franc-maçon.

– Pourtant, ce n’est guère l’habitude…

– Je fais miennes ces deux déclarations pour expliquer ma position : « Nous avons trop cultivé une espèce de goût du secret mal gardé. Et nous avons laissé se développer des légendes qui finalement nous desservent. » (Jacques Lafouge, Grand Maître du Grand Orient de France) et « Il ne s’agit pas de banaliser la franc-maçonnerie mais de lui donner plus de visibilité. Quand elle est acceptée pleinement par la démocratie, elle se doit d’être claire sur ses mobiles. » (Henri Bartholomeeusen, Grand Maître du Grand Orient de Belgique »)

– Est-il vrai que « spiritualité » est un mot banni en franc-maçonnerie ?

Outils représentés symboliquement dans le sol de la cathédrale de Bruxelles.

– Que du contraire ! Il ne faut pas mélanger spiritualité (« esprit ») et religion. Participant à un même reportage[4], Baudouin Decharneux, maître de recherches du FRS-FNRS, y spécifia que la « franc-maçonnerie est une institution philanthropique et initiatique, une école de sagesse. Les francs-maçons défendent la liberté de pensée, la liberté de conscience et le droit de s’éclairer individuellement. » Pour ma part, la franc-maçonnerie développe, depuis des siècles, un humanisme spirituel avec ses concepts, immuables, de fraternité et de tolérance. Elle est l’héritière d’antiques traditions initiatiques, telle celle des gens du Métier, les « Bâtisseurs » pratiquants de l’« Art Royal » (les « opératifs ») et, au fil du temps, est devenue « spéculative » avec, selon les loges, une pratique plus ou moins intense du symbolisme (équerre, compas…). Celui-ci est concomitant aux thèmes (philosophiques, sociétaux, historiques, éthiques…) abordés lors des tenues (assemblées de francs-maçons ou séances rituelles).

– Ce n’est donc pas une secte réservée à une élite ?

– « Maçon libre dans une Loge libre », n’est pas une vaine citation en franc-maçonnerie. Celle-ci est une association d’hommes et de femmes libres, au puissant idéal de fraternité, respectueux des « différences », ayant pour but essentiel le progrès individuel et collectif et refusant tout dogme comme vérité fondamentale.

On est donc loin, très loin même, d’un quelconque « complot » !

 

[1] Mouvement  prétendument démocratique, péjorativement détourné dans le sens de flatterie à l’égard du peuple, synonyme de démagogie. À ne pas confondre avec le nationalisme.

[2] Dans le présent article, terme générique indiquant des sœurs et frères, toutes obédiences confondues ou membres de loges dites souveraines et indépendantes.

[3] La Première et VivaCité pour mes ouvrages « Petit Livre de la Sagesse et de l’Esprit maçonniques » et « Sur les pas des Francs-Maçons » aux Éditions Jourdan, Télétourisme (« Bruxelles maçonnique »)…

[4] « Secret de Loges », TeleMB.

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