samedi, novembre 23, 2024

Réduction de débit d’eau : la SAUR condamnée

C’est une première ! Une cour d’Appel condamne une entreprise de l’eau pour réduction de débit d’eau illégal chez un particulier. En 2015, la SAUR avait réduit l’alimentation en eau chez une famille de Limoges. Condamnée en première instance le 6 janvier 2016, elle vient de se voir confirmer sa condamnation par la cour d’Appel de Limoges. La Fondation France Libertés et la Coordination Eau Ile-de-France sont à l’origine des poursuites contre la SAUR. C’est une nouvelle victoire pour les associations.

Cette famille de Limoges est donc restée pendant trois mois avec un débit réduit.  Qu’est-ce que cela signifie au quotidien ?

« La décision du juge d’appel de Limoges est intéressante. Il explique par exemple que dans les conditions de cette famille, c’est 2h40 pour prendre une douche, 5h pour prendre un bain, une demi-heure pour remplir une chasse d’eau, et c’est surtout l’impossibilité d’utiliser touts les appareils qui fonctionnent avec de l’eau et notamment le lave-linge. C’est pire qu’un inconfort,  c’est une indignité. C’est l’impossibilité de vivre dignement chez soi. Cela oblige à aller quémander à droite, à gauche, à faire des kilomètres pour prendre une douche. Le Conseil constitutionnel le mettait en avant dans sa décision de mai 2015 : interdire les coupures d’eau et les réductions de débit, c’est permettre à chacun de vivre dignement chez lui. »

droit à l'eau - bleu

La décision de la cour d’Appel de Limoges est inédite et importante. Elle fera date, et fera jurisprudence.

« Elle est inédite, parce que c’est la première. Elle est importante parce que jusqu’à maintenant on avait obtenu des décisions d’instance sur cette question de la réduction de débit. Les entreprises et les collectivités locales nous répondaient que  la loi n’était pas claire… et qu’elles continuaient leurs pratiques parce que la loi le permettait… ! La décision de la cour d’Appel de Limoges, très bien fondée sur le droit international et le droit français, s’appuient aussi sur les décisions du Conseil constitutionnel. Donc il est évident maintenant que, comme les coupures d’eau, les réductions de débit sont strictement interdites en France. On peut espérer que les entreprises arrêtent de réduire le débit et de couper l’eau. »

« On n’est plus dans un Etat de droit » (E.Poilane)

Il s’agit de la treizième condamnation, mais pour autant, les entreprises continuent malgré tout leurs pratiques. Il faut rappeler que la SAUR a été condamnée cet été dans deux autres affaires. C’était pour des coupures d’eau en Seine-et-Marne et dans les Pyrénées-Atlantiques.

« C’est ce qui est difficile. Il y a deux entreprises, Véolia et la SAUR, qui continuent leur pratiques comme si de rien n’était, et qui refusent même de discuter avec nous pour trouver des solutions. On leur envoie les témoignages des personnes qui viennent vers nous pour qu’ils les règlent. Quand nous leur envoyons les témoignages, ils les règlent. Mais cela ne protège pas l’ensemble des personnes qui sont victimes. Il y a aussi toutes les petites mairies qui mettent en œuvre l’eau elles-mêmes. Elles savent que c’est illégal de couper l’eau mais elles le font quand même parce qu’elles estiment que c’est le seul moyen pour récupérer l’argent. On est dans un moment où des élus et des entreprises refusent d’appliquer la loi pour des raisons économiques. Cela me choque énormément. Si dans une République comme la notre, des acteurs publics et privés disent, on n’applique pas la loi parce que cela ne nous arrange pas économiquement parlant, cela veut dire que l’on n’est plus dans un Etat de droit. »

« Obtenir des étalements de dettes » (E.Poilane)

Quelles autres solutions les fournisseurs d’eau pourraient mettre en œuvre pour palier les défauts de paiement ?

« On  attend que les acteurs publics et privés des services de l’eau remettent en place des services à l’usager. Il faut qu’ils soient présents su le terrain et soient capables de comprendre ce qui se passe. Il faut aussi que l’on puisse rendre systématique l’étalement de factures. Aujourd’hui pour l’électricité on peu très facilement obtenir des étalements de dette. Donc il faut que cela se mette en place pour l’eau. Et dans le cas de mauvais payeurs, de mauvaise foi, il y a la possibilité de mettre en place des procédures d’huissier. Cela ne pose pas de problème. Cela aurait le mérite de faire cesser les coupures ou les réductions de débit pour des petites dettes. Certaines entreprises coupent l’eau pour une trentaine d’euros. Il faut que cela s’arrête. S’ils veulent mettre en œuvre du service public, cela doit se faire dans des conditions d’intérêt général, mais pas dans des conditions économiques standards. »

France Libertés et la Coordination Eau Ile-de-France continuent à récolter les témoignages de victimes de coupures et de réductions de débit d’eau.

Pour aller plus loin :

Mercredi 5 octobre 2016, France Libertés est à Avignon pour débattre des avancées et des blocages dur les coupures d’eau illégales.

« Le droit fondamental à l’eau : état des lieux et perspectives »

une conférence publique et un débat,

Mercredi 5 octobre 2016, à 18h

Médiathèque Jean-Louis Barrault, Avignon

Avec :

  • Emmanuel POILANE, Directeur de la Fondation Danielle Mitterrand – France Libertés
  • Zehor Z. DURAND, Avocat – Docteur en droit public – Cabinet Blanc-Tardivel
  • Valérie BERNAUD, Maître de Conférences – Constitutionnaliste – Co-auteur du code constitutionnel annoté et commenté

1 COMMENTAIRE

  1. Il faut souhaiter que cette condamnation ait des échos et puisse mettre en garde les organismes qui aurait comme projet de recommencer à priver d’eau et donc de dignité du minimum de confort des foyers

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