C’est une première étape capitale dans la reconnaissance du droit à l’eau pour tous. La proposition de loi sur la mise en œuvre du droit de l’Homme à l’eau potable et à l’assainissement a été adoptée en première lecture à l’Assemblée Nationale.
Un premier pas qui donne espoir notamment aux ménages les plus démunis. Le vote des députés le 14 juin dernier est un signe positif par rapport au combat que mène France Libertés avec d’autres associations depuis des années.
- Avec Emmanuel Poilane, directeur de France Libertés.
« C’est un vrai signe positif. D’abord, parce que c’est la concrétisation d’un travail en commun avec le Parlement et notamment avec les députés. C’est un texte qui a été co-construit continuellement avec les parlementaires et la société civile. Sur un sujet aussi fondamental qui touche au droit à la vie, il est essentiel de pouvoir travailler conjointement avec nos élus sur un texte législatif qui aille de l’avant.
Dans la période actuelle, où il y a beaucoup de reculs, où il y a une prédominance des choix économiques qui sont faits aux dépends de choix en lien avec des droits fondamentaux, il est possible d’avancer sur un droit aussi important que celui du droit à l’eau pour tous. La présentation orale de la ministre Barbara Pompili et des différents députés montrent combien le droit à l’eau pour tous est symboliquement très fort. Ils ont rappelé le combat qu’a mené Danielle Mitterrand sur ce sujet là, à une époque où personne ne parlait du droit à l’eau pour tous. C’est bien que la France s’engage sur ce chemin là. »
Quelles sont les avancées majeures de ce texte ?
« La première avancée c’est de valider ce droit à l’eau pour tous. C’est l’article 1. On était jusqu’alors sur une approche très économique du droit à l’eau. C’est ce qui avait fait que, dans notre combat sur les coupures d’eau, les avocats de Véolia et de la Saur disaient que le droit à l’eau n’existait pas. Le Conseil Constitutionnel a dit l’inverse. Il a dit que le droit à l’eau était un droit fondamental même s’il n’était pas totalement clair dans la loi. Avec cette proposition de loi, cet élément devient clair. Il peut être mis au regard du droit au logement, de l’approche au droit à l’énergie… C’est une évolution globale sur l’accès aux éléments fondamentaux : se loger, se chauffer, se nourrir, boire.
Le deuxième point très important, c’est l’accès aux fontaines, aux toilettes publiques gratuites et aux bains douches gratuites pour les plus démunis partout en France. C’est « remettre l’eau au cœur de la cité » pour que les Français se rendent compte de la place de l’eau dans la société. L’enjeu est que partout sur la planète on puisse vivre dignement avec à la fois, un accès à l’eau, un accès à l’assainissement et un accès à la capacité de se laver pour pouvoir vivre dignement. Et pour pouvoir envoyer ses enfants à l’école, travailler… »
A l’inverse, la question du financement d’un fond d’aide a été repoussée. Quel était le but de ces aides et pourquoi cette question a posé problème ?
« Ce fond d’aide devait permettre de réunir 50 millions d’euros pour apporter une aide préventive sur l’accès à l’eau pour toutes les familles dont la facture représente plus de 3% des revenus. C’est le seuil reconnu de manière internationale pour l’accès à l’eau. Il y a à peu près 1 million de ménages en France qui sont en très grande précarité et qui ont du mal à payer leur facture d’eau. Il y avait la volonté de leur apporter une aide pour que leur facture repasse sous le seuil des 3% du revenu. Cela a posé un problème à l’Assemblée Nationale. Nous avions proposé un financement alternatif innovant en mettant une contribution solidaire sur les bouteilles d’eau. Mais les lobbys sur les bouteilles d’eau sont très puissants et ont fait un gros travail auprès des députés. Ils ont fait en sorte que des députés viennent spécifiquement pour voter contre cet article. Pendant la discussion, il y avait une dizaine de députés. Et au moment du vote de l’article, une vingtaine de députés sont venus spécialement. Cela montre bien que notre démocratie fonctionne de façon bizarre parfois.
On espérait basculer sur un financement de l’Etat. C’est l’élément qui est en discussion actuellement. On a pu en parler de vive voix avec le Président de la République. On espère un geste du Président et du gouvernement pour faire que ce fond de 50 millions d’euros soit mis en place dans le cadre de la loi de finance du mois de septembre. Il faut mettre cela en comparaison avec le fond d’aide de 650 millions d’euros qui est mis en place pour l’énergie. Donc 50 millions, ce n’est pas énorme. Cela mériterait que l’Etat français mette cet argent sur la table. On pourra dire alors que l’on a mis le droit à l’eau pour tous en France, que l’on a permis de remettre l’eau au cœur de la cité, et que l’on aide le million de familles qui sont en grande précarité. Elles méritent qu’on leur donne un coup de pouce pour payer leur facture d’eau. »
Aux Nations Unies, la France a reconnu ce droit de l’Homme à l’eau et à l’assainissement. Il faut donc encore se mobiliser pour qu’elle l’inscrive réellement dans le droit français.
« On est dans une période où c’est difficile. Ce que l’on propose, c’est simplement de permettre à chacun de vivre dignement chez lui. Cela ne semble pas irrationnel ou impossible à mettre en œuvre. Malgré tout, sur des sujets comme cela, on a beaucoup de difficultés à avancer. Mais on n’est pas loin. On fait confiance aux parlementaires pour faire que ce travail débouche d’ici la fin de l’année. La France pourra alors s’enorgueillir à d’être le premier pays occidental à valider dans ces textes le droit à l’eau et à l’assainissement pour tous. »
Pour aller plus loin :
- Droit à l’eau en France : proposition de loi adoptée
- La proposition de loi sur la mise en œuvre du droit à l’eau potable et à l’assainissement adoptée en première lecture
- La discussion du projet de loi à l’Assemblée Nationale – partie 1
- La discussion du projet de loi à l’Assemblée Nationale – partie 2
Podcast: Download