La Conférence des Nations Unies sur le changement climatique, c’est dans un mois. En coulisse, les travaux préparatoires s’accélèrent et les documents qui doivent servir de base aux discussions et aux négociations sont en train d’être finalisés. Et à Bonn, la dernière réunion avant la COP 21 qui s’est tenue la semaine dernière à huit clos, n’a guère rassuré la société civile.
Emmanuel Poilane, le directeur de France Libertés, a lu les premiers textes et eu les échos des réunions. Pour lui, le compte n’y est pas.
« Effectivement, le compte n’y est pas, notamment dans le dernier texte de préaccord qui a permis de ramener le document de 80 pages à 20 pages. Le problème c’est que l’ensemble des thématiques qui tournent autour du changement climatique ont été retirées de ce texte. On a aujourd’hui un document qui est vierge, qui tergiverse sur les mots, et qui hésite par exemple entre « les Etats doivent » ou « les Etats devraient ». On aboutit à un document qui, certes, sera consensuel, mais qui sera vide. Cela a entrainé une réaction très forte de la part du G77, les 77 payes les plus pauvres qui négocient autour de l’accord, lors de l’ouverture de la dernière session des négociations à Bonn. La première journée a été consacrée à une confrontation entre le G77 et l’ensemble des autre pays, pour dire que ce préaccord est inacceptable. Il faut remettre sur la table un document qui tienne compte à la fois des pays les plus pauvres et des thématiques les plus évidentes à intégrer pour lutter contre le changement climatique. »
Pas d’objectifs clairs et contraignants dans ces documents… Les Etats donnent l’impression qu’ils ne sont pas prêts à renoncer à un modèle de développement qui a montré ses effets néfaste pour la planète.
« C’est ce qui est le plus troublant. Tous les pays font des déclarations sur l’urgence à agir. Et autour de la table, on n’est absolument pas dans des négociations qui pourraient permettre de lutter contre le changement climatique, mais dans des négociations qui sont économiques. Les acteurs de la société civile, qui sont normalement observateurs, ont été exclus des négociations qui se tenaient à Bonn, à la demande du Japon. Sur une thématique qui fait consensus à l’international, on est confronté à une réalité de négociations opaques, qui a pour volonté de trouver un accord à minima. C’est une grande désillusion pour la société civile. »
Autres inquiétudes : ce sont ces déclarations du nouveau président du GIEC, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat qui laissent penser que le poids des lobbies pourrait nuire sur l’issue de la COP 21.
« C’est surprenant et inquiétant. Le président du GIEC a déclaré qu’il ferait en sorte que les contributions des cercles économiques et financiers soient bien prises en compte dans les travaux du GIEC. Le GIEC rassemble l’ensemble des scientifiques spécialistes du Climat. En quoi les contributions du monde de la finance pourraient apporter des éléments sur une analyse du changement climatique ? Aujourd’hui, les tenants du système font une pression énorme pour garder la main et pour nous entrainer vers une situation que l’on ne veut pas connaitre. La nécessaire transparence sur les données scientifiques et sur l’engagement des sociétés civiles sont les deux éléments primordiaux pour réussir la COP 21. S’il n’y a pas d’éléments qui changent et qui permettent de nous rassurer, il y aura probablement des espaces de confrontation. Ce n’est pas ce que nous souhaitions mais c’est là où nous entrainent les Etats à ce jour. »
La société civile, exclue des dernières pré-négociations, reste très pessimiste sur les mesures qui seront prises, et sur la place qui sera accordée à la mobilisation citoyenne. Nous aurons l’occasion d’y revenir dans Monde Solidaire.
Pour aller plus loin :
- Pré-accord COP 21 : les Etats n’osent pas, bousculons-les !
- Un économiste sud-coréen à la tête du GIEC
- Climat : le projet d’accord est inacceptable !
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