Une fois n’est pas coutume, évoquons des relations humaines dans la présente chronique et, plus particulièrement celles, complexes et explosives, entre un auteur, Patrick Roegiers, quelques-uns de ses collègues et une certaine intelligentsia, fort imbue de ses prétendues prérogatives, dont celle de traîner dans la boue un écrivain.
Avec « L’autre Simenon », récemment paru chez Grasset, Patrick Roegiers touche à une icône belge et, dans ce royaume, on n’apprécie pas du tout cela. Dans l’ouvrage « L’autre Simenon », il s’agit surtout de Christian, le frère du père de Maigret, condamné à mort par contumace pour avoir participé activement avec d’autres admirateurs d’Adolf Hitler au massacre de civils, mais, ô crime de lèse majesté, avoir rappelé le passé de collaborateur de l’écrivain avec les nazis.
Le livre de Patrick Roegiers ne plaît donc pas aux « simenoniens », qui non seulement le traitent de « scribouillard », mais l’accusent aussi de falsifier l’Histoire. Scribouillard ? J’ai lu ce livre et, au-delà du thème qui prête à polémique, je lui ai trouvé un style enlevé et très « prenant ».
Certes, ledit ouvrage est un roman, avec, donc, une part de fiction, mais il y a des faits avérés incontournables.
Alors, pour répondre aux attaques, Patrick Roegiers a publié un droit de réponse qui fut parfois censuré (par « Le Figaro », paraît-il). Je vous en livre quelques passages :
« En réponse aux déclarations de John Simenon, second fils et ayant droit du romancier, parues dans le supplément littéraire du Figaro du 24 septembre, qui traite mon roman d’élucubrations grotesques, je rappelle simplement ceci. La société de production Continental avec laquelle Georges Simenon traite le contrat de cinq de ses films a été fondée par Goebbels et est dirigée à Paris par Alfred Greven que le biographe de l’écrivain, Pierre Assouline, traite de « nazi bon teint » (1).
Simenon cède en 1942 l’exclusivité des droits du personnage de Maigret pour une durée de trois ans contre la somme considérable de 500.000 francs. Ce qui lui vaut à la Libération de sérieux ennuis que le romancier, qui se targue de ne pas faire de politique, se garde bien d’évoquer dans ses mémoires. (…) L’histoire pourtant n’est pas finie. Elle s’achève devant les tribunaux. En 2002, Geneviève Simenon, 42 ans, rhumatologue, est accusée du meurtre de son compagnon. C’est la fille de Georget, la petite-fille de Christian. Au mois de mai, elle paraît devant la cour d’assises de Bruxelles. Pour justifier son enfance malheureuse, elle évoque un « lourd secret de famille » et déclare devant la cour: « Mon grand-père paternel, Christian Simenon, était actif dans le mouvement rexiste. De 8 à 13 ans, mon père était membre des Jeunesses hitlériennes. C’est mon grand-oncle, Georges Simenon, qui les a influencés depuis la France où il résidait. Il était d’ailleurs resté dans la collaboration. J’ai des documents familiaux qui le prouvent et je peux vous les remettre! » (2) Quand sortira-t-on les secrets du placard pour qu’enfin affleure la vérité?
(1) Pierre Assouline, Simenon, Folio, 1996, p 419.
(2) Pierre Guelff, Ciné-Télé Revue, juin 2002. Repris dans Les plus grands procès, éd. Jourdan, 2013. Ainsi que sur les sites de La Libre du 29/5/2002 et L’Obs Monde du 28/5/2002. »
Au terme de cette mise au point, il est donc question de l’un de mes écrits relatifs à mon ancien métier de chroniqueur judiciaire quand, une parente de Georges Simenon fit cette déclaration de manière « officielle » devant une cour d’assises, des magistrats, jurés, avocats, journalistes, du public… La proposition de remettre des documents ne fut pas relevée. On ne touche pas aux icônes !
Par déontologie, je ne commente davantage la censure et les injures proférées à l’égard de Patrick Roegiers. En revanche, personne ne m’interdira de clamer que « la » vérité historique a ses droits et que nul, icône y comprise, n’y échappe jamais. Tôt ou tard.
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