Cap sur l’Amazonie cette semaine. Avec la Fondation France Libertés, Monde Solidaire s’intéresse aux effets des grands barrages sur le climat et sur les droits des populations autochtones. Avec Elsa Olaizola, chargée de mission sur les migrations à France Libertés.
A quelques mois de la COP 21, France Libertés organise le mercredi 24 juin, en partenariat avec d’autres associations (Planète Amazone, Amazon Watch, International Rivers), des tables rondes en marge du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, afin d’alerter sur les violations commises contre les populations autochtones au cœur de l’Amazonie.
Ces grands barrages, présentés comme une énergie renouvelable bénéfique pour le Climat, participent pourtant au changement climatique.
« Les grands barrages sont souvent présentés par leurs promoteurs comme une énergie verte alors qu’ils accélèrent le changement climatique. La construction de grands barrages entrainent la construction de retenues d’eau sur des terres qui étaient soit cultivées, soit des forêts, et qui sont des espaces riches en matières organiques. Or, la construction de ces retenues entraine la décomposition de ces matières qui libèrent de grandes quantités de gaz à effet de serre, comme le méthane, qui est bien plus puissant que le CO2.
Ces constructions entrainent le bouleversement du fonctionnement des cours d’eau et des éco-systèmes dans des environnements qui ont souvent une biodiversité très importante. Et c’est donc à terme la disparition de nombreuses espèces végétales et animales. »
En plus des effets sur l’environnement, ces barrages sont subis par les populations locales comme une nouvelle « dictature » après avoir endurée celle des militaires. Leurs droits fondamentaux sont menacés.
« L’impact négatif des grands barrages sur l’environnement des populations autochtones, à travers la baisse de la qualité de l’eau dans laquelle ils pêchent, ou la submersion de terres fertiles sur lesquelles ils travaillent, signifie pour eux la perte de leur autonomie alimentaire et le changement de leur mode de vie traditionnelle.
La construction de ces grands barrages entraine le déplacement de force de ces populations ou la submersion de terres traditionnelles ou de terres qui étaient, pour elles, sacrées. On parle d’atteinte au droit car le droit international et certains droits nationaux comme au Brésil reconnaissent le droit des populations autochtones à être informés et consultés librement sur les grands projets qui les concernent. Ce droit n’est pas respecté. Ces populations n’ont donc pas le droit de choisir leur mode de vie et de développement. »
Face aux violations de leurs droits, les populations s’organisent et tentent malgré tout de mobiliser l’opinion locale et l’opinion internationale.
« Au Brésil, les populations autochtones de l’Amazonie brésilienne s’organisent. Nous travaillons avec les Munduruku qui ont écrits un protocole sur la manière dont ils souhaitaient être consultés, conformément aux droits qui leur sont reconnus. Ce protocole a été remis au gouvernement brésilien qui tient un double discours. D’un coté il se dit à l’écoute de ces populations, mais de l’autre, il continue d’avancer sur la mise en œuvre de ces barrages sans aucune consultation des populations locales.
Plus généralement au Brésil, les peuples essaient de s’unir pour faire entendre leur voix à Brasilia. Ainsi, quatre peuples ont publiés un manifeste au Brésil dans lequel ils parlent d’un risque de génocide sur leurs terres. »
Ces figures emblématiques seront prochainement en Europe. Le mercredi 24 juin, France Libertés organise donc un évènement parallèle au Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, à Genève. Quel en est le but et que va-t-il se dérouler ?
« Nous souhaitons porter le combat des populations autochtones à l’ONU pour que le gouvernement brésilien les entendent. Ce gouvernement viole ces obligations internationales, notamment la convention 169 de l’OIT, l’Organisation Internationale du Travail, sur la libre consultation.
Ce gouvernement, qui dit vouloir tirer un trait sur la dictature, notamment par la mise en place de commissions de vérité, utilise un mécanisme juridique de la dictature, qui s’appelle la suspension de sécurité, pour casser des décisions de justice qui demandent l’arrêt des grands barrages, illégaux au regard des droits brésiliens et internationaux. C’est pour cela que nous allons à l’ONU.
Pour cet évènement parallèle de la session de juin du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, nous avons invité un leader Munduruku qui se bat contre la construction de grands barrages sur ces terres, et un procureur fédéral brésilien qui a demandé à plusieurs reprises l’arrêt de ces constructions. Il a été suivi par les tribunaux, mais ces décisions de justice ont été cassées par le gouvernement fédéral. Il y aura des rencontres avec les rapporteurs spéciaux de l’ONU pour les inviter à venir au Brésil pour constater les violations qui ont lieu dans ce pays. »
Au-delà de ce qui se passera à l’ONU, les deux défenseurs de la cause amazonienne, de la cause brésilienne, passeront aussi par Paris.
« La France va accueillir la COP21, et le gouvernement dit qu’il souhaite un accord sur le climat à cette occasion. Or, deux entreprises françaises, EDF et Engie (ex GDF-Suez) sont impliqués dans la construction de grands barrages dans l’Amazonie brésilienne. Ces grands barrages ont un impact sur le réchauffement climatique, et l’Etat français est majoritaire dans ces deux entreprises. Il était donc important d’inviter ces deux défenseurs de la cause amazonienne à Paris.
Nous allons organiser différents évènements entre le 21 et le 29 juin. Il y aura une rencontre avec des parlementaires français, un évènement public afin d’alerter l’opinion nationale, et des rencontres avec des anthropologues et des juristes au Collège de France. »
Pour aller plus loin :
- France Libertés
- Barrages au Brésil : mettre un terme à la violation du droit des populations autochtones
- France Libertés à l’ONU : Dossier de presse
- Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU
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