Le débat sur les coupures d’eau et la biopiraterie sont les deux sujets de cette deuxième édition de Monde Solidaire avec le Fondation France Libertés, en compagnie d’Emmanuel Poilane, le directeur de la fondation.
Les coupures d’eau au cœur d’un vaste méli-mélo politique !
Un amendement déposé par le sénateur Cambon a été voté le 19 février dernier, rétablissant la possibilité aux entreprises de l’eau de couper l’eau en cas d’impayé… Un amendement soutenu dans un premier temps par la ministre de l’écologie Ségolène Royal, qui a provoqué un levé de bouclier des associations de consommateur et de France Libertés…
L’argument du sénateur Cambon était qu’interdire les coupures d’eau provoquerait des hausses d’impayés… En fait, que les plus démunis profiteraient en fait du système pour ne plus payer…
Emmanuel Poilane.
« Dans sa bouche ce n’était pas les démunis profites du système, c’était les mauvais payeurs profitent du système… Mais pour nous, cet amendement c’était la volonté de permettre aux opérateurs de l’eau de continuer de couper l’eau aux plus démunis. On est très content du revirement de la ministre Ségolène Royal qui a pris la mesure du dossier. Depuis son revirement, toutes ses déclarations ont expliqué le pourquoi de son changement de position.
Cet amendement questionne notre mode de démocratie, puisque la loi Brottes, été votée en avril 2013, était très claire. On avait pu le prouver devant les tribunaux. Nous avons pu gagner face aux distributeurs de l’eau à plusieurs reprises. Avec cet amendement dans une loi qui n’avait rien à voir avec l’eau, cela donnait la possibilité aux multinationales de l’eau, avec des élus qui leur sont proches, de modifier la loi à leur gré…
On remercie l’action de la CLCV et de son délégué général François Carlier pour leur relais dans ce dossier. Et on remercie également le journal Le Parisien pour son article qui a permis à tous les médias de s’emparer de cette question. Cela nous à aidé à protéger les plus démunis et à monter que l’on ne peut pas faire des petits arrangements entre amis sur la loi. »
Comme le rappelle la Fondation France Libertés avec les autres associations, la CLCV, la Coordination Eau Ile de France ou encore l’UFC Que Choisir, personne ne peut vivre sans eau, et donc le fait de ne pas payer n’est pas un acte volontaire mais subit.
« Ne pas payer sa facture, c’est anormal, mais on doit absolument protéger ceux qui ne peuvent pas payer. Et le fait de recourir à la coupure d’eau comme premier moyen pour recouvrir ces impayés est très violent.
Il y a d’autres moyens, notamment le nécessaire contact avec les usagers du service public de l’eau pour qu’ils puissent bénéficier d’échelonnement de leur dette. Car souvent ceux qui ne peuvent pas payer veulent payer mais ont besoin de modalités de paiement compatibles avec leurs moyens.
Le rejet de cet amendement et le renforcement de la loi Brottes, c’est la volonté de l’Etat français d’être très attentif aux plus démunis notamment pour leur accès à l’eau. »
Si les entreprises privées restent encore réticentes à appliquer la loi, les Régies publiques de l’eau, elle, viennent de décider d’un moratoire sur ces coupures… Est-ce un signe positif ?
« C’est un signe extrêmement positif. Il y a une vraie prise de conscience de la Fédération des Régies Publiques de l’eau qui reconnait que la loi est claire. Appliquons-la, trouvons des modalités pour recouvrir les impayés sans passer par la coupure d’eau. On espère que les autres fédérations (Fédération nationale des collectivités concédantes et régies – FNCCR – et la Fédération Professionnelle des Entreprises de l’eau – FPEE) vont pouvoir prendre des décisions du même ordre. »
Encore beaucoup de témoignages de cas de coupures abusives arrivent à la Fondation France Libertés.
« En une semaine, depuis les déclarations de la ministre, on a eu une quinzaine de témoignages. C’est encore un sujet important. »
Le texte doit encore revenir à l’Assemblée. La confiance est-elle toujours là ?
« On a rencontré le député François Brottes. Il nous a fait part de son intention de garder sa loi intacte. Il participe à la commission mixte paritaire qui va avoir lieu sur la loi de transition énergétique. On imagine qu’il va faire en sorte de retirer cet amendement. »
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Agir contre la biopiraterie
Les Troisièmes Rencontres Internationales contre la biopiraterie se sont tenues ce jeudi 5 mars à l’Assemblée Nationale, à l’initiative de France Libertés. Ce colloque souhaitait mettre l’accent sur les actions à construire sur le terrain et sur les mesures législatives à prendre, mesures politiques et éthiques, pour mener à bien cette lutte…
Qu’est-ce que l’on entend par Biopiraterie ?
Emmanuel Poilane.
« La biopiraterie c’est le fait qu’une entreprise ou un laboratoire de recherche s’approprie des connaissances ancestrales pour en faire un brevet. C’est s’accaparer ces connaissances qui sont dans le domaine public ou qui sont propriétaires des peuples autochtones qui les ont développés pour en faire un profit ou une commercialisation. Cela peut être lié à des entreprises de médicaments, de produits de beauté, ou toute autre chose touchant à l’accaparement des savoirs traditionnels.
C’est un sujet qui permet d’éclairer des peuples qui vivent dans une notion d’équilibre global, respectueux de leur environnement, de la production de leur richesse et du partage de leur richesse.
Dans ce colloque, on avait fait le choix de traiter des alternatives à la biopiraterie pour montrer que l’on peut mener des actions économiques rentables en étant respectueux de chacun, des peuples autochtones, du partage des avantages.
On ne dépose pas un brevet pour quelque chose que l’on n’invente pas. Et quand on s’accapare une connaissance qui n’est pas breveté pour la breveter, on essaie d’effacer des millénaires de connaissance traditionnelles.
On avait des experts de toute la planète, un grand spectre d’intervenants, des députés de toutes sensibilités. Ce sujet qui n’est pas très connu du grand public intéresse énormément de gens. On a le devoir de le vulgariser. Et sur notre site internet, il y aura un enregistrement intégral du colloque pour permettre de découvrir tout ce que revêt cette question de la biopiraterie. »
Quelles sont les actions de terrain qui sont à mener et quels sont les outils pour mener à bien cette lutte, dans le cadre notamment de la loi sur la biodiversité qui sera présenté les 16 et 17 mars 2015 ?
« Le projet de loi sur la biodiversité, c’est la volonté d’encadrer les pratiques, de faire en sorte qu’il y ait une traçabilité dans la conception de ces brevets et de mettre à jour les liens possibles avec les connaissances traditionnelles. Il y a ensuite le lien avec tout un tas d’acteurs sur la planète, en Amérique Latine, en Afrique ou en Europe, pour accentuer la vigilance et mettre en lumière tous les cas d’entreprises qui profitent du fait que des connaissances ne soient pas brevetées pour se les accaparer. »
Dans l’Agenda de France Libertés :
- Publication, le 20 mars prochain, des résultats de l’Opération Transparence, sur le prix de l’eau en France…
- Du 24 au 28 mars prochain se tiendra à Tunis le Forum Social Mondial au cours duquel France Libertés organise la 2ème édition des rencontres « Eau, Planète et Peuples ».
Deux évènements sur lesquels nous reviendrons dans la prochaine émission, dans quinze jours.
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