Le 29 mai 1951, un inuit et un
européen atteignaient péniblement le pôle nord magnétique, le premier
s’appelle *Kutsikitsoq,* l’autre *Jean Malaurie.*
Jean Malaurie est explorateur, ethnologue, géographe, mais aussi
écrivain. Plus d’un demi-siècle après son premier ouvrage, il nous
livre dans un recueil de poche, 64 pages, ses pensées sur le monde et
ses dérives écologiques.
Son histoire n’est pas ordinaire. Alors que ces terres glacées étaient
encore peu connues, Jean Malaurie s’est passionné pour les populations
autochtones qui les parcourent, au point de se fondre en elles et de
renaître. Il le dit sans détours, cette immersion polaire prit peu à peu
une autre signification : *il était enfin de retour à la maison, sa
maison.* En vérité, au contact de ces êtres qu’il qualifie de « naturés
», privilégiant l’instinct, présentant les choses, prédisant la vie et
la mort, Jean Malaurie achevait un parcours commencé plus tôt, une quête
de liberté, qui l’avait conduit à fuir, jeune homme, le travail
obligatoire de l’époque tourmentée et sombre de l’occupation.
Profondément attaché à ces terres extrêmes et aux hommes qui les
peuplent, il n’a de cesse de lutter pour la préservation de ces
contrées vierges et pures, que le progrès, la monétisation, la quête de
ressources énergétiques et les intérêts géostratégiques ont miné,
défiguré et quasi-anéanti en quelques dizaines d’années.
« Porteurs de l’essence même de la nature humaine, derniers témoins de
l’étroite relation qui relie l’Homme à la Terre Mère », ces peuples,
par delà le monde, de l’Arctique à l’Amazonie, en Afrique ou encore en
Australie, « sont en réserve pour être nos éclaireurs et nous protéger
de nos folies en rappelant les lois éternelles. » C’est par ce message
prophétique que Jean Malaurie s’adresse aux lecteurs, et s’inquiète de
l’état du monde et de l’urgence écologique. *Spirituel, engagé,
humaniste et poétique, ce texte est aussi et avant tout le recueil des
émotions d’un scientifique explorateur, découvreur « d’un monde d’une
innocence édénique, d’un peuple d’avant la chute d’Adam, d’hommes et
de femmes en communion avec l’origine. »*
*Et d’appeler le lecteur à défendre cette Terre Mère bafouée, et
d’écouter le message sincère que nous délivrent ces peuples, pour
réveiller cette mémoire commune.*
Terre Mère, de Jean Malaurie, édité par CNRS éditions, est disponible
depuis le 13 mars dernier, dans toutes les bonnes librairies.