Depuis bientôt deux semaines plus personne ne regarde son assiette de la même manière. La méfiance galopante s’est emparée des consommateurs. Est-ce que ce que je mange est vraiment ce que je crois manger? La question a de quoi nous retourner l’estomac, d’autant que d’un bout à l’autre de la chaine agroalimentaire, les responsables font mine de découvrir la complexité des circuits de contrôle et de vente. « On a créé une créature digne de Frankenstein, un système qui a échappé au contrôle social et moral des humains« , s’indigne le journaliste Fabrice Nicolino dans une interview accordée à Rue89. « Le vrai scandale est de savoir ce que contient réellement la viande, d’où qu’elle provienne« , poursuit l’auteur du livre Bidoche qui dénonce au passage l’hypocrisie des ministres et des autorités sanitaires. « On produit de la viande comme on fabrique des bagnoles : il faut aller vite, à la chaîne, en réduisant les coûts intermédiaires. »
Les coûts c’est là le nud du problème. Les consommateurs cherchent à acheter toujours moins cher mais tout en voulant de la qualité. Equation quasi impossible qui entraîne nécessairement des couacs et The Financial Times cité par presseurop conclut « il est difficile de passer du cercle vicieux de la réduction de coût et de la baisse de la qualité au cercle vertueux de la coopération et de l’innovation, surtout quand les liquidités se font rares. Certains consommateurs seront prêts à payer pour la traçabilité ou s’approvisionneront directement dans des exploitations sélectionnées ; pour la plupart des gens, c’est un luxe. »
Et ils continueront à manger des produits parfois douteux. Le site Rue89 a enquêté sur les fameux minerais de viande qui constituent une grande partie des plats cuisinés qu’ils soient au buf, au cheval ou quoi que ce soit à base de viande. Ce minerai, explique un ancien vétérinaire devenu inspecteur, « ce sont des bouts de machin, de gras notamment. En fait, c’est catégoriquement de la merde. Il y a 40 ans, cette matière allait à l’équarrissage pour être brûlée. Les industriels n’osaient même pas en faire de la bouffe pour chat. […] Avec les progrès de la chimie additionnelle, c’est devenu possible d’en faire quelque chose.» Bon appétit.
C’est dans ce contexte que la Commission européenne vient d’autoriser la réintroduction des farines animales dans l’alimentation des poissons d’élevages. Et dès l’année prochaine aux volailles et aux porcs. Un mauvais timing d’autant que la France y est opposée. Mais que faire contre un système globalisé? « Même si l’utilisation de ces farines est interdite aux éleveurs de poissons, le consommateur retrouvera des poissons nourris avec ces farines dans les étals« , souligne une membre du conseil national de l’alimentation sur le site de Terra Eco. « D’ailleurs, poursuit-elle, nous importons déjà beaucoup de poissons hors UE qui sont nourris avec ces produits-là. »
De plus, conclut le site, « l’alternative aux farines animales coûte cher. Les farines de poissons, très sollicitées, ont vu leurs prix s’envoler. Idem pour les farines végétales à base de soja notamment. »
Le site Europe 1.fr rapporte que « le leader écologiste José Bové prône lui une solution plus radicale : arrêter de manger du poisson d’élevage. » En effet s’interroge Le Monde.fr: « l’industrie agroalimentaire peut-elle garantir le respect de cette alimentation croisée en ne mélangeant pas les circuits de production et de distribution des farines de porc et de volaille ? Beaucoup en doutent, même si des tests permettent théoriquement de vérifier la conformité des farines. L’épisode des lasagnes au cheval étiquetées pur buf risque à ce titre de renforcer les suspicions.«
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