« Littérature sans Frontières » est une chronique de Pierre Guelff.
« Rendez-vous au Sourire d’avril » est le titre du roman de Jacques Béal récemment publié aux Presses de la Cité.
À première vue, un titre surprenant pour cet ouvrage qui, cependant, s’inscrit parfaitement dans la collection « Terres de France », celle de sagas qui, comme le décrit de manière remarquable l’auteur, évoquent aussi « des lieux qui ressourcent, qui donnent une seconde chance dans la vie. »
Car « Au Sourire d’avril », dans les années 1950, c’est le nom d’un bistrot situé au cur du quartier populaire Saint-Leu à l’ombre de la magnifique cathédrale d’Amiens et du premier building (trente étages !) d’Europe, non loin des célèbres hortillonnages, ces fameux « jardins sur l’eau ».
Mais, pourquoi, donc, appeler l’ancien Café Arthur par « Au Sourire d’avril » demanda une gamine à la nouvelle patronne, Louise ?
« Les bonnes questions viennent toujours des enfants », pensa-t-elle, et elle répondit aussitôt à la petite fille :
– En avril, c’est le retour des beaux jours comme un sourire printanier et je veux aussi redonner du sourire toute l’année à ce quartier.
Petit à petit, d’année en année, durant trois décennies, le lecteur va suivre l’évolution de ce café, de ce quartier, de ses habitants, de ceux qui y reviennent, de ceux qui y élisent domicile, du travail d’artisans, tantôt à la cathédrale, tantôt dans des bordels, de la lutte contre le « tout-béton » pour sauvegarder quelques jardinets, de la naissance du yé-yé et de la renaissance d’un cortège folklorique d’enfants grâce à un instituteur adepte de la méthode Freinet, du dur labeur de maraîchers, teinturiers, fromagers, laitiers, livreurs
Au bout de cette touchante évocation à travers le temps, un cinéaste parisien, tombé amoureux de Saint-Leu, décide même de tourner un film avec un acteur célèbre et, bien entendu, avec maints habitants du quartier en tant que figurants, certains particulièrement truculents et actifs !, un film « de transmission envisageant le futur ».
Et, c’est ainsi qu’on arrive aux années 1980 et à des bouleversements notoires.
Lorsque mes pas me mèneront à nouveau à Amiens, ma visite à Saint-Leu, où l’on déguste dans un restaurant sympa des pommes de terre à toutes les sauces, le souvenir ému de Louise et des habitants de ce quartier atypique dans le bon sens du terme, bien entendu m’accompagnera avec une émotion certaine, preuve indéniable que ce roman m’aura touché de plein fouet !
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