« Littérature sans Frontières » est une chronique de Pierre Guelff.
Le quotidien « Le Soir » vient d’éditer quinze ouvrages sous le générique « Les oubliés du Nobel ».
Parmi eux, Franz Kafka, Joseph Conrad, Virginia Woolf, Léon Tolstoï, Marcel Proust, Émile Zola, etc.
L’explication de cette collection est la suivante :
« Qu’elle aborde les relations entre les hommes et les femmes, la famille, la nécessité pour chacun de lutter pour trouver sa place dans le monde, les vertus du plaisir, la sexualité, la tendresse, le goût de l’aventure, le combat pour la paix, les libertés sociales ou le travail, la littérature est intemporelle. Les grands classiques sont d’une modernité ébouriffante. (
)
L’écrivain à honorer chaque année devra avoir « produit l’uvre la plus remarquable d’une tendance idéaliste », préconisa Alfred Nobel dans ses dernières volontés.
Quel sens donner à cette injonction ?
L’histoire du Nobel de Littérature est une suite de tentatives plus ou moins réussies pour l’interpréter. » Voici, donc, pour les présentations.
J’ai lu quelques-unes de ces propositions, forcément subjectives, d’auteurs négligés par la célèbre Académie de Stockholm.
Parmi elles, j’ai choisi « Constance Chatterley » de David Herbert Lawrence, première version d’une série de trois, toutes censurées maintes fois pour indécence, nous étions au début du XXe siècle, ne l’oublions pas.
Cette uvre stigmatise l’aristocratie hautaine et méprisante face au monde ouvrier qui lutte pour sa sauvegarde. Il s’agit de la relation entre Constance Chatterley, châtelaine mariée à Clifford, un homme de la haute société devenu handicapé physique à la guerre et qui lui conseilla même de prendre un amant pour son équilibre sexuel, et Parkin, leur garde-chasse, que sa femme a abandonné avec leur petite fille de 5 ans.
Un homme au corps divin, une splendeur plus qu’humaine, selon Lady Chatterley, alors que sa relation intime avec Clifford était, par la force des choses, uniquement verbale.
Un soir, Parkin lui demanda :
– Vous n’avez pas l’impression de vous abaisser avec quelqu’un de mon espèce ?
– Pas quand je vous touche, lui répondit-elle.
Les deux hommes de sa vie étaient deux moitiés et il n’était pas question pour elle de renoncer à l’une de ces moitiés, d’abandonner un homme ou l’autre. Mais, elle n’acceptait pas non plus de se laisser tyranniser par la demi-humanité de l’un comme de l’autre.
Mais, dans le fond, comme le lui fit remarquer un ouvrier d’une aciérie, la classe supérieure comme celle dite d’en bas ont les mêmes sentiments
enfin, « pas avec un snob comme sir Clifford » ajouta-t-il à Constance Chatterley, toute bouleversée.
Bouleversée par ce qu’elle venait d’entendre ou parce qu’elle était enceinte d’un ouvrier
qu’elle aimait ?
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